La Banque centrale européenne va devoir maintenir une politique monétaire "très souple" jusqu'à ce que son objectif d'inflation soit clairement en vue, déclare François Villeroy de Galhau, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, dans un entretien au Handelsblatt.

L'inflation dans la zone euro se situe à un plus bas de quatre ans, à 0,1% en mai avec une prévision de 0,3% en moyenne pour 2020, très en-deça de l'objectif de la BCE d'un taux inférieur mais proche de 2%.

"Dès lors que nous prenons notre mandat au sérieux, nous aurons besoin d'une politique monétaire très souple jusqu'à ce que l'objectif soit solidement en vue", déclare François Villeroy de Galhau, qui est également gouverneur de la Banque de France, dans l'entretien au journal allemand.

Il estime que la crise sanitaire et économique provoquée par l'épidémie de coronavirus renforce les risques déflationnistes, notamment parce que la demande reprend moins vite que l'offre.

"Il est hors de question de céder à la domination fiscale, c'est-à-dire de distordre la politique monétaire de manière à alléger le fardeau de la dette publique", explique-t-il.

L'objectif d'inflation pourrait être clarifié dans le cadre de la revue des missions de la BCE, précise-t-il, notamment pour confirmer qu'il est "symétrique", ce qui signifie que la BCE pourrait tolérer des variations du taux d'inflation dans certaines limites au-dessus ou en dessous de 2%.

François Villeroy de Galhau dit par ailleurs avoir bon espoir qu'une solution soit trouvée pour répondre à une décision rendue début mai par la cour constitutionnelle allemande sur les achats d'obligation qui a fait l'effet d'un coup de tonnerre en Europe.

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a donné trois mois à la BCE pour justifier les achats d'obligations d'Etat réalisés pour son compte par la Bundesbank, sous peine de voir celle-ci cesser ces achats et vendre son portefeuille de titres.

"Il y a eu récemment de bons progrès sur la méthode pour documenter ces décisions, une méthode qui respecte à la fois l'indépendance de la BCE et de la Bundesbank", explique-t-il.

Interrogé sur la possibilité pour la BCE d'acheter des obligations "junk", François Villeroy de Galhau exclut un rachat des obligations classées junk avant la crise.

"Par contre, si les agences de notation abaissent pendant la crise la note des entreprises ou d'États bien notés, cela peut alimenter une tendance déjà négative", précise-t-il, estimant que la BCE pourrait dans ce scénario réfléchir à réduire la dépendance de sa politique monétaire aux agences de notation.

La BCE a déjà choisi d'accepter des obligations exclues de la catégorie d'investissement ("investment grade") après le 7 avril comme collatéral pour ses opérations de refinancement. Mais, à la différence de la Réserve fédérale américaine, elle n'inclut pas ces titres dans ses achats sur les marchés.

(Richard Lough, version française Gwénaëlle Barzic)