par Pamela Barbaglia et Mike Stone

LONDRES/NEW YORK, 26 novembre (Reuters) - Pour Alan Schwartz, le président exécutif de Guggenheim, la patience a fini par payer : voilà près de 20 ans que le financier cultivait sa relation avec Ian Read, le patron de Pfizer qui a choisi la petite banque conseil pour le conseiller dans le rachat d'Allergan officialisé lundi.

L'opération à 160 milliards de dollars (151 milliards d'euros) fait passer d'un coup la "boutique" Guggenheim du 18e au 12e rang du classement mondial des banques conseils en fusions et acquisitions, alors qu'elle était en 45e position il y a un an.

Alan Schwartz, 65 ans, était missionné depuis 2013 par Ian Read pour trouver un partenaire de fusion en Europe, le géant pharmaceutique américain cherchant par ce biais à transférer son siège dans un pays avec un taux d'imposition plus favorable - un procédé que les Américains appellent une "inversion fiscale".

Mais leur relation remonte bien plus loin, à la fin des années 1990, quand Alan Schwartz était banquier chez Bear Stearns tandis qu'Ian Read montait les échelons chez Pfizer, ont dit trois sources ayant travaillé avec le premier.

L'ancienneté de ces liens et les relations de confiance ainsi nouées expliquent qu'une petite société comme Guggenheim ait pu damer le pion aux mastodontes de la finance pour ce mandat.

Guggenheim n'a évidemment pas les moyens d'une grande banque d'investissement comme Bank of America mais la marque de fabrique de son président exécutif est d'entretenir ces relations étroites avec de grand patrons et de leur distiller de précieux conseils en matière de stratégie, sans même avoir de mandat, ajoutent les sources.

Alan Schwartz a noué le même type de relation de confiance avec les dirigeants de Verizon, Walt Disney et Cablevision, observent-ils.

Ensuite, lorsqu'une opportunité de M&A se présente, il est ainsi le mieux placé pour décrocher le mandat.

Guggenheim, dont les associés s'expriment rarement en public, s'est refusé à tout commentaire.

$125 à $150 MLNS DE COMMISSIONS

Dès la fin des années 1900, Alan Schwartz présentait à Pfizer des dossiers sur des cibles potentielles d'OPA, selon l'une des sources. En 2000, Pfizer a racheté Warner Lambert, un groupe que Schwartz conseillait. A partir de là, le géant de la pharmacie a fait régulièrement appel au banquier stratège.

Schwartz a ainsi mené les négociations sur l'acquisition de Hospira cette année, une opération à 15 milliards de dollars, et avant cela il avait conseillé Pfizer pour le rachat de Pharmacia en 2003. Il a aussi joué un rôle important dans la cession par Pfizer de ses produits grand public à Johnson & Johnson en 2006 ou dans celle de Capsugel, son ex-filiale de conditionnement de médicaments, à un fonds d'investissement en 2011.

Il avait aussi conseillé Pfizer l'an dernier quand le groupe américain a proposé sans succès de mettre 70 milliards de livres sur la table pour reprendre AstraZeneca, déjà dans une optique d'"inversion fiscale". Pour cette opération manquée, Pfizer avait aussi reçu les conseils du vice-président executif de la banque d'investissement de Bank of America, Fares Noujaim, qu'Alan Schwartz a ensuite recruté chez Guggenheim.

Le départ de Noujaim, un Libano-Américain de 52 ans qui avait lui aussi fait ses classes chez Bear Stearns avant de rejoindre Bank of America en 2008, a fait perdre à cette dernière le mandat de Pfizer, qui lui a préféré Goldman Sachs , Centerview Partners Holdingset Moelis & Co comme co-banques conseils.

Alan Schwartz a été le dernier directeur général de Bear Stearns avant la reprise de la banque d'affaires par JPMorgan Chase en 2008. L'année suivante, il rejoignait Guggenheim, qui a des bureaux à New York et Chicago.

L'établissement a été lancé en 1999 par Peter Lawson-Johnston senior, arrière-petit-fils de l'industriel et mécène Solomon Guggenheim. Petite société d'investissement et de services financiers à l'origine, Guggenheim a pris le virage de la banque conseil avec l'arrivée d'Alan Schwartz qui, pour chacune de ses grosses opérations, s'entoure généralement d'une équipe restreinte, comptant cinq à dix personnes au maximum.

Guggenheim et les trois autres banques qui ont conseillé Pfizer se partageront entre 125 et 150 millions de dollars de commissions une fois le mariage consommé, a dit une autre source au fait du dossier.

"Cette opération n'est que la dernière en date d'une série de relations étroites tissées avec de grands groupes dans la durée et qui aboutissent souvent à des méga-deals", conclut une une des sources. (avec la contribution d'Olivia Oran à New York, Véronique Tison pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Pfizer Inc., AstraZeneca plc, Goldman Sachs Group Inc, Moelis & Co