Une source proche du conseil d'administration d'Engie a par ailleurs déclaré à Reuters que le groupe passait en revue des acquisitions potentielles d'envergure.

Actuel patron du groupe de chimie belge Solvay, Jean-Pierre Clamadieu a été choisi mardi pour succéder en mai à Gérard Mestrallet à la présidence non exécutive du groupe énergétique français, en pleine mutation, et former ainsi un nouveau tandem avec la directrice générale Isabelle Kocher.

"Il faut maintenant qu'on construise l'avenir, qu'on identifie les moteurs de croissance", a-t-il dit lors d'un entretien accordé à BFM Business, précisant qu'il voyait cependant "beaucoup de cohérence" dans la stratégie de cessions d'Engie et dans la priorité donnée aux renouvelables et aux services.

"Au travers des contacts que j'ai pu avoir avec à la fois le conseil et l'actionnaire de référence, en l'occurrence l'Etat, je pense que l'enjeu maintenant, c'est le développement du groupe", a-t-il ajouté.

"Comment est-ce qu'on croît, est-ce qu'on a aujourd'hui une base suffisante pour croître, est-ce qu'il faut imaginer de la croissance externe ? (...) C'est la question qui est posée."

Jean-Pierre Clamadieu a aussi souligné qu'Isabelle Kocher restait "le patron opérationnel" d'Engie et qu'il voulait former avec elle un "duo efficace" dans le cadre d'une gouvernance "apaisée" - alors que la dirigeante souhaitait officieusement obtenir la présidence du groupe en plus de ses fonctions actuelles - après deux ans de rumeurs et de tensions avec Gérard Mestrallet.

Une source proche du conseil d'administration a déclaré à Reuters qu'une "revue des grosses acquisitions possibles (était) présentée au conseil tous les trois mois", au moment où le plan de cessions de 15 milliards d'euros d'activités liées aux énergies fossiles est en passe d'être bouclé.

"UN TROU DANS LES RÉSULTATS"

"Le fait de céder des actifs du 'vieux monde' crée un trou dans les résultats et ce ne sont pas les renouvelables qui vont le combler tout de suite, donc Kocher cherche une acquisition", selon cette source.

Un porte-parole d'Engie n'a pas souhaité commenter ces informations.

Des sources bancaires ont indiqué au début du mois qu'Engie - à l'instar de Total - était pressenti pour se porter candidat au rachat du spécialiste des renouvelables Eneco détenu par des municipalités néerlandaises, qui pourrait être mis en vente d'ici à l'été et vaudrait quelque 4 milliards d'euros.

Avant même son plan de cessions actuel, Engie avait suivi une sévère cure d'amaigrissement.

Entre les exercices 2012 et 2016, son chiffre d'affaires est passé de 97 milliards à 66,6 milliards d'euros, son Ebitda de 17 milliards à 10,7 milliards et son résultat net récurrent part du groupe de 3,8 milliards à 2,5 milliards, tandis que son ratio endettement net sur Ebitda a baissé de 2,58 à 2,32.

Depuis début 2012, la capitalisation boursière d'Engie a fondu de 40%, à quelque 30 milliards d'euros, et l'action a plafonné autour de 15 euros depuis la nomination d'Isabelle Kocher au poste de directrice générale, le 3 mai 2016.

En matière d'acquisitions, le scénario d'une alliance franco-allemande dans le domaine de l'énergie entre Engie et RWE à travers Innogy, filiale cotée du groupe allemand spécialisée dans la gestion des réseaux et les énergies renouvelables, a semble-t-il été l'occasion d'une passe d'armes l'an dernier entre Isabelle Kocher et Gérard Mestrallet.

"CAMOUFLET"

"Mestrallet a vraiment poussé en faveur d'une opération et Kocher l'a vraiment bloquée (...) Mestrallet et (Edmond) Alphandéry (président du comité de la stratégie et des investissements) ont pris comme un camouflet qu'elle balaie ce scénario d'un revers de la main", selon la source proche du conseil.

Au moment des rumeurs autour d'Innogy, Isabelle Kocher faisait valoir il y a un an que son groupe devait avant tout mettre en oeuvre son plan de transformation et qu'une opération d'envergure n'était "pas du tout une priorité".

L'ouverture d'une nouvelle phase stratégique pourrait coïncider avec une réduction supplémentaire du poids de l'Etat français au capital d'Engie (24,1% aujourd'hui) par le biais d'un volet de la loi "Pacte" sur les entreprises qui permettrait au gouvernement d'engager de nouvelles cessions des titres Engie qu'il détient.

A ce sujet, après avoir rencontré le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire lundi matin, Jean-Pierre Clamadieu a déclaré que le gouvernement s'exprimerait "au moment où il le juge opportun", soulignant toutefois que l'Etat n'avait pas nécessairement "vocation à être actionnaire de très long terme" d'Engie.

(Edité par Dominique Rodriguez)

par Benjamin Mallet