PARIS, 3 mai (Reuters) - Un rejet du projet de réorganisation d'EDF maintiendrait le groupe dans une position difficile en le privant de nouveaux moyens financiers sans lesquels sa part dans la production d'électricité en France "baisserait rapidement", fait valoir son PDG, Jean-Bernard Lévy, dans un courrier aux syndicats.

La France tente depuis plusieurs mois de finaliser ses négociations avec la Commission européenne en vue d'une nouvelle régulation du parc nucléaire d'EDF, qui passerait par une hausse du prix de vente de sa production et s'accompagnerait d'une refonte du groupe.

Celle-ci doit, selon Jean-Bernard Lévy, permettre à EDF d'investir davantage dans les énergies renouvelables - en particulier le solaire et l'éolien -, appelées à monter en puissance en France face au nucléaire et à représenter jusqu'à 50% de la production d'électricité du pays à l'horizon 2035.

"Pour rester un grand acteur du secteur électrique en France, EDF doit impérativement être en mesure d'investir dans ces nouvelles formes de production électrique. Dans le cas contraire, la part d'EDF dans la production d'électricité en France baisserait rapidement", fait valoir le PDG dans son courrier adressé le 28 avril aux secrétaires généraux des grandes fédérations syndicales.

Le projet de réorganisation, précédemment nommé "Hercule", passerait par la création d'un ensemble regroupant le parc nucléaire et thermique, qui serait intégralement renationalisé et qui détiendrait lui-même 100% d'une entité dédiée à l'hydroélectricité, dans un système de quasi-régie permettant d'éviter une mise en concurrence des barrages du groupe.

EDF, dont l'Etat détient aujourd'hui 83,7% du capital, créerait une troisième entité regroupant les énergies renouvelables, la distribution, les services et la commercialisation, dont le capital serait ouvert à des actionnaires minoritaires - potentiellement à hauteur de 30% - et bénéficiant d'un financement propre.

"CE PROJET PEUT BIEN ENTENDU ÊTRE REJETÉ EN BLOC"

Le projet suscite toutefois une vive opposition des syndicats et d'une partie de la classe politique, qui mettent en garde contre le risque de démantèlement et le début d'une privatisation d'EDF, le groupe soulignant pour sa part le risque d'un statu quo maintenant de fait une régulation qui lui est très défavorable alors même que sa dette n'a cessé de se creuser.

"Le projet que nous portons permettrait de renverser cette situation, en garantissant à EDF un prix de vente du nucléaire qui couvre l'ensemble des dépenses du parc nucléaire existant, [l'EPR de] Flamanville 3 inclus", selon Jean-Bernard Lévy

"Ce projet peut bien entendu être rejeté en bloc. Mais y renoncer nous exposerait collectivement à poursuivre dans la situation que nous connaissons depuis 10 ans et dont le groupe souffre profondément."

"Avant de finaliser les discussions avec la Commission européenne" et après une série de rencontres avec les syndicats à Bercy qui doivent se poursuivre dans les jours qui viennent, le PDG dit également son souhait que les représentants des salariés "puissent s'approprier le projet dans toutes ses dimensions, parfois complexes, et formuler des propositions".

"Les conditions dans lesquelles est né et s'est développé ce projet n'ont pas facilité la co-construction ni l'appropriation avec les salariés et leurs représentants, et je le regrette", écrit également Jean-Bernard Lévy.

EDF n'a pas souhaité commenter le courrier du PDG. (Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault)