PARIS/TOKYO, 26 janvier (Reuters) - Le constructeur
automobile français Renault et son partenaire japonais
Nissan devraient dévoiler le 6 février un accord sur la
refonte de leur alliance, ont déclaré jeudi des sources à
Reuters, après 20 ans d'une relation qui a connu autant de hauts
que de bas.
Cette alliance, qui intègre désormais Mitsubishi Motors
en tant que partenaire minoritaire, a été forgée en
1999 et a longtemps été dirigée par l'ancien patron de
Renault-Nissan, Carlos Ghosn.
Elle a permis à Nissan de prendre une participation de 15%
dans Renault, autant que l'Etat français, mais sans les droits
de vote associés.
Le constructeur français détient de son côté 43% du capital
de son homologue japonais, dont il avait à l'époque orchestré le
sauvetage, une situation qui a alimenté depuis les appels au
rééquilibrage de la structure de l'alliance.
L'arrestation, fin 2018 au Japon, de Carlos Ghosn pour des
soupçons de malversations financières, et sa mise à l'écart de
la direction de Renault-Nissan, ont précipité l'alliance dans
une crise ouverte.
Voici une chronologie des principaux évènements qui ont
marqué l'histoire du partenariat entre les deux constructeurs :
1996
Carlos Ghosn devient directeur général-adjoint de Renault et
va contribuer au redressement économique du groupe français, qui
perd des parts de marché et peine à se remettre de l'échec des
négociations de fusion avec Volvo. Il dévoile en 1997 un plan de
réduction des coûts de 20 milliards de francs qui va permettre à
Renault de renouer avec les bénéfices dès l'année suivante.
1999
Renault vole au secours de Nissan, fortement endetté après
avoir subi des pertes pendant trois années consécutives et
symbole bien malgré lui de la faillite de l'économie nippone.
Carlos Ghosn est le grand artisan du plan de redressement de
Nissan ("Nissan Revival Plan") présenté en octobre, qui vise à
un retour à la rentabilité du constructeur japonais dès l'année
suivante.
Le plan auquel Carlos Ghosn a lié son avenir au sein de
Nissan est couronné de succès, au prix de la suppression de
21.000 emplois, soit 14% des effectifs, de la fermeture de
plusieurs usines et d'une profonde réforme du fonctionnement de
l'entreprise.
2000
Carlos Ghosn est promu au poste de président de Nissan, puis
de PDG (en 2001). Le constructeur japonais contribue à partir de
la fin de l'année 2020 - et jusqu'à aujourd'hui - pour environ
la moitié du bénéfice net annuel de Renault.
2002
Nissan annonce un nouveau plan triennal, "Nissan 180", qui
vise notamment à vendre un million de voitures supplémentaires
par an dans le monde avant la fin 2005. Cet objectif ne sera pas
atteint mais la marge opérationnelle du groupe dépasse largement
les attentes (plus de 11% en 2004). Parallèlement, Carlos Ghosn
succède à Louis Schweitzer au poste de PDG de Renault (en 2005),
puis en tant que président du conseil d'administration (en
2009).
2008
Nissan échoue de nouveau atteindre les objectifs financiers
qui lui avaient été fixés au terme d'un nouveau plan triennal.
La société japonaise dévoile dans la foulée un plan quinquennal
mais doit très vite y renoncer en raison de la crise financière
mondiale.
2013
Alors que Carlos Ghosn est devenu le premier dirigeant à
occuper simultanément la fonction de PDG au sein de deux
entreprises majeures, Renault et Nissan dévoilent un projet
commun de réduction des coûts de développement et de production
de leurs véhicules. La convergence s'accentue en 2014, avec un
objectif affiché de 10 milliards d'euros d'économies annuelles à
l'horizon 2022.
2016
Nissan entre au capital de Mitsubishi et en prend de fait le
contrôle, offrant à Carlos Ghosn la direction d'un troisième
constructeur.
2017
Nissan et Renault font tous deux état d'une marge
opérationnelle record, même si le constructeur japonais n'a pas
atteint tous ses objectifs. L'alliance a vendu cette année-là
plus de dix millions de véhicules et figure parmi les premiers
constructeurs mondiaux.
2018
Carlos Ghosn est arrêté au Japon le 19 novembre. Soupçonné
d'abus de biens sociaux (l'utilisation de biens de Nissan à des
fins personnelles) et de ne pas avoir déclaré plusieurs dizaines
de millions d'euros de revenus au cours de la décennie écoulée,
il rejette ces accusations mais il est contraint à renoncer à
ses fonctions de PDG de Renault, et écarté de la présidence de
l'alliance.
2019
Nissan et Renault peinent à se remettre de la déflagration
provoquée par l'arrestation de Carlos Ghosn, qui a entre temps
été libéré sous caution. Malgré la désignation de nouveaux
conseils d'administration, les deux constructeurs voient leurs
bénéfices fondre.
Transfuge de Michelin, Jean-Dominique Senard prend la
présidence de Renault et la tête de l'alliance avec Nissan et
Mitsubishi, tandis que Makoto Uchida devient PDG de Nissan. Les
tensions entre partenaires s'aggravent en raison de la volonté
de Renault d'établir une relation plus étroite, voire une fusion
avec Nissan, qui y est opposé.
Le 29 décembre, nouveau coup de théâtre : Carlos Ghosn fuit
le Japon, où il était en résidence surveillée, sous le coup de
quatre inculpations pour corruption, après avoir embarqué dans
un jet privé en se dissimulant dans une malle. Il se réfugie au
Liban, son pays natal, où il est sous le coup d'une interdiction
de sortie de territoire mais ne risque pas l'extradition.
2020
Alors que la pandémie de COVID-19 frappe de plein fouet les
constructeurs automobiles, Renault obtient un prêt garanti par
l'Etat français de cinq milliards d'euros. Luca de Meo devient
directeur général de la marque au losange en juillet,
Jean-Dominique Senard conservant le poste de président du
conseil d'administration.
2022
Luca de Meo dévoile un plan visant à séparer les activités
électriques et thermiques de Renault. Selon des informations de
presse, Nissan demande à cette occasion au constructeur français
de réduire sa participation à 15% (la même que celle que détient
le groupe nippon), en échange d'un investissement dans la
nouvelle entité regroupant ses activités de véhicules
électriques de Renault, appelée Ampère.
Des sources proches du dossier ont déclaré jeudi à Reuters
qu'un accord sur la structure de la nouvelle alliance avait été
conclu et que celui-ci serait présenté le 6 février à Londres.
(Rédigé par les bureaux de Paris et Tokyo, version française
Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)