Après trois heures de réunion, le conseil d'administration du constructeur automobile français avait ajourné la veille ses travaux, qui reprendront en fin d'après-midi.

"Le conseil d'administration a décidé de continuer d'étudier avec intérêt l'opportunité d'un tel rapprochement et de prolonger les échanges sur ce sujet", a-t-il déclaré dans un communiqué.

Parmi les sujets sur lesquels l'Etat français, principal actionnaire de Renault avec 15% du capital, estime ne pas avoir eu des garanties suffisantes, figure le maintien des sites industriels en France.

"Nous sommes en train de (...) construire (ces garanties), mais ça prend du temps, prenons le temps nécessaire", a déclaré le ministre de l'Economie sur BFM TV. "C'est une opération de grande ampleur, qui vise à créer un champion mondial de l'automobile, pas de précipitation !"

Bruno Le Maire a estimé que l'Etat n'avait pas encore assez de garanties sur la présence à Paris d'un siège opérationnel régional pour le futur ensemble, précisant que les discussions continuaient sur ce sujet, tout comme sur celui de la gouvernance du nouveau groupe.

A 11h22, le titre Renault progressait en Bourse de 0,16% à 56,66 euros tandis que celui de FCA reculait de 0,41% à 11,76 euros.

PLUSIEURS COMPROMIS DÉJÀ TROUVÉS

Trois sources avaient indiqué mardi à Reuters que FCA et l'Etat français avaient résolu plusieurs points de désaccord en amont du conseil d'administration de Renault.

Le compromis trouvé sur l'influence de Paris sur le futur FCA-Renault pourrait ouvrir la voie à l'approbation par le conseil du constructeur au losange d'un accord-cadre, point de départ du long processus qui doit conduire à la fusion entre les deux groupes, sans doute pas avant 2020.

FCA a présenté il y a neuf jours à Renault un projet de fusion à 50-50 qui donnerait naissance à un nouveau géant du secteur mieux armé face aux défis technologiques auxquels l'industrie automobile est aujourd'hui confrontée.

Le mariage passerait par le rachat des deux constructeurs par une société holding basée à Amsterdam (Pays-Bas), après le versement d'un dividende exceptionnel de 2,5 milliards d'euros aux actionnaires de FCA.

Mais face aux critiques d'analystes financiers et de dirigeants français d'entreprises, qui déploraient que l'accord initial sous-évalue Renault et sa participation de 43,4% dans Nissan, la France a bataillé pour en améliorer les termes.

Le projet d'accord inclut désormais un dividende exceptionnel de l'ordre de 250 à 500 millions d'euros pour les actionnaires de Renault, ont dit deux sources à Reuters.

Selon les "principes généraux d'organisation" vus par Reuters, le bureau du directeur général du nouveau groupe, et le siège de lé région Europe, Moyen-Orient et Afrique, seraient bien situés à Paris.

L'OMBRE DE GE BELFORT

Le gouvernement français tire ainsi les leçons de l'affaire General Electric, qui projette de supprimer un millier de postes à Belfort alors qu'il s'était engagé à préserver l'emploi lors du rachat de la division énergie d'Alstom en 2015.

L'Etat a également milité pour avoir son propre siège au conseil d'administration et un droit de veto sur la nomination des futurs directeurs généraux afin de veiller au respect des engagements.

"Après le désordre sur GE, le gouvernement était déterminé à obtenir des accords contraignants sur l'emploi", a indiqué une source proche de Renault. "Et ils vont les avoir, l'Etat s'est bien fait entendre."

Ses représentants ont accepté mardi un compromis selon lequel il occuperait un des quatre sièges alloués à Renault, FCA en disposant pour sa part de quatre, ont dit trois sources.

Selon elles, Renault cédera également à l'Etat un des deux sièges dont il disposera au sein d'un comité de nominations composé de quatre membres, pour peser sur le choix des futurs directeurs généraux. En revanche, FCA refuse la règle du vote à l'unanimité réclamé par Paris.

Jean-Dominique Senard, président de Renault, est pressenti pour devenir le premier patron opérationnel du nouvel ensemble, tandis que John Elkann, président de FCA, serait le président du nouveau groupe. Avec cette répartition des sièges, l'Etat français aurait son mot à dire sur le choix du successeur de Jean-Dominique Senard, aujourd'hui âgé de 66 ans.

Bruno Le Maire a insisté à nouveau mercredi pour que le rapprochement entre FCA et Renault préserve l'alliance entre le groupe français et le japonais Nissan, ébranlée par la disgrâce de son homme fort Carlos Ghosn.

Le conseil d'administration de Renault a préconisé mercredi des actions en justice conjointes avec Nissan aux Pays-Bas, siège de l'entité RNBV, un audit ayant épinglé 11 millions d'euros de dépenses suspectes.

Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, a prévenu cette semaine qu'une fusion FCA-Renault - sur laquelle les deux représentants de Nissan au conseil d'administration du groupe français pourraient s'abstenir - entraînerait un "réexamen fondamental" des relations entre Renault et Nissan.

Autre casse-tête en perspective, la capacité de générer réellement les cinq milliards d'euros de synergies promises entre FCA et Renault dépendra en grande partie de l'accès à des technologies détenues conjointement par Renault et son allié japonais.

Selon une source proche des discussions, FCA et Renault comptent soumettre leur projet de mariage à leurs actionnaires respectifs au premier trimestre 2020.

(Avec Laurence Frost à Paris et Giulio Piovaccari à Milan, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume et Arno Schuetze