Gilles Le Borgne, nommé le 6 janvier à un poste identique à celui qu'il occupait huit mois plus tôt chez PSA, rencontrera notamment Tsuyoshi Yamaguchi, l'un des artisans de la célèbre Nissan Leaf électrique et aujourd'hui en charge de la convergence des ingénieries de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.

Les deux hommes ont déjà échangé par vidéo, a précisé une des sources, signe selon elle que le dialogue entre les ingénieurs français et japonais, qui a fait les beaux jours de l'alliance, est loin d'être rompu malgré la crise provoquée par la disgrâce de l'ex-PDG Carlos Ghosn et la dégradation des ventes.

"L'alliance a pris un coup mais les équipes d'ingénierie alliance sont toujours présentes", a dit une autre source proche de Renault-Nissan. "On ne peut pas arrêter du jour au lendemain des choses engagées autant en profondeur."

Sur les six nouvelles directions communes de 2018, cinq sont encore en place: l'ingénierie, la fabrication, les achats, l'après-vente et le business développement. Cette dernière fonction est assurée par Hadi Zablit, tout nouveau secrétaire général de l'alliance chargé de coordonner les grands projets qui doivent être annoncés jeudi lors du prochain conseil opérationnel de Renault-Nissan-Mitsubishi au Japon.

Seule la direction commune de la qualité est revenue aujourd'hui dans le giron de chaque partenaire.

Comme le président de Renault Jean-Dominique Senard l'a laissé entendre ces dernières semaines, le conseil de l'alliance compte relancer entre les partenaires les échanges de cadres qui ont constitué le ciment du partenariat scellé en 1999 et permis de surmonter les différences culturelles et la concurrence entre les centres de R&D français et japonais.

"L'alliance est en train de prendre un nouveau départ. Nous retrouvons aujourd'hui l'esprit d'origine. Les vieux ménages ça prend parfois des difficultés et puis ça reprend et je crois que 20 ans, c'est une forme de maturité", a dit Jean-Dominique Senard jeudi sur France 2 depuis le Forum économique mondial de Davos.

Préférant au passage se référer, parmi les fondateurs de l'alliance, à Louis Schweitzer qu'à Carlos Ghosn, Jean-Dominique Senard répondait ainsi aux critiques de l'ancien homme fort de Renault-Nissan qui a moqué, après sa fuite du Japon, une alliance de "mascarade".

FRICTIONS SUR L'HYBRIDE

Le retour aux sources passera également par la relance de projets industriels communs susceptibles d'améliorer l'efficacité opérationnelle de l'alliance et de ses partenaires, tous deux ébranlés l'an dernier par plusieurs révisions à la baisse de leurs objectifs de ventes et de marges.

L'ambition est de dégager de nouvelles synergies. Si la question de l'avenir du haut de gamme de Renault (Espace et Talisman) sur la plateforme commune CMF-C/D reste entière, le nouveau programme électrique de l'alliance, en cours de déploiement, est cette fois totalement commun contrairement aux doublons des premières générations de Leaf et Zoé.

Selon plusieurs sources, le moteur électrique et le réducteur, dessinés au Technocentre de Renault, verront leur production inaugurée chez Nissan, et la plateforme accouchera cette année du crossover Nissan Ariya, suivi coup sur coup les deux années suivantes de modèles Renault.

En revanche, les partenaires ont à nouveau travaillé dans plusieurs directions sur leur premier programme hybride alliant motorisations essence et électrique.

"Les synergies fonctionnent bien maintenant dans l'électrique, mais c'est l'hybride qui constitue un des points faibles de l'alliance, car les synergies ne sont pas à la hauteur", observe Romain Gillet, analyste automobile chez IHS Markit.

Renault lance ainsi cette année son hybride "E-Tech", fruit de l'expertise historique du groupe au losange dans les boîtes de vitesse, tandis que Nissan a développé de son côté pour l'Asie le système "e-Power", de conception totalement différente.

Le troisième partenaire Mitsubishi, dans l'industrie l'un des précurseurs de l'hybridation électrique des véhicules, propose quant à lui sur l'Outlander sa propre architecture traditionnelle.

"Cela a fait partie des sujets de friction", ajoute la source proche de l'alliance. "Mais maintenant que les trois objets sont là, il va falloir les utiliser de la manière la plus efficiente possible."

Nissan embarquera l'E-Tech Renault sur son petit SUV Juke tandis que Renault pourrait utiliser l'e-Power de son partenaire nippon sur son Kadjar, notamment en Asie, selon une source proche de Renault, une source proche de l'alliance et une source industrielle. Nissan proposera également en Europe son e-Power pour remplacer le diesel sur le Qashqai.

Interrogé sur les annonces de jeudi prochain, Renault et Nissan France se sont refusé à tout commentaire.

(Edité par Gwénaëlle Barzic)

par Gilles Guillaume