* Des dépenses engagées par Ghosn "source de questionnement"

* "Des pratiques contestables et dissimulées" de l'ex-PDG

* Le conseil veut supprimer son reliquat de salaire variable

* Les conditions de versement de sa retraite chapeau pas réunies

* "Sérieux questionnements" sur des dépenses de RNBV

* Le conseil passe de 20 à 18 membres, l'ancienne directrice de Smart va le rejoindre (Actualisé avec précisions)

par Gilles Guillaume et Laurence Frost

PARIS, 3 avril (Reuters) - La mission de vérification de la direction de l'éthique de Renault a mis en lumière des pratiques contestables et dissimulées de la part de Carlos Ghosn, qui ont conduit le conseil d'administration à préconiser la suppression du salaire variable de l'ex-PDG.

"Des dépenses engagées par l'ancien Président-Directeur Général sont source de questionnements, en raison des pratiques contestables et dissimulées dont elles procèdent et des atteintes aux principes éthiques du groupe qu'elles impliquent, notamment dans la gestion des conflits d'intérêts et la protection des actifs du groupe", ont déclaré les administrateurs de Renault, réunis mercredi, dans un communiqué.

Fort de ce constat, le conseil va proposer à l'assemblée générale des actionnaires de supprimer le reliquat de 224.000 euros de salaire variable de Carlos Ghosn au titre de 2018. Le groupe avait déjà décidé en février de ne verser à son ancien PDG ni d'indemnité liée à sa clause de non-concurrence de deux ans, ni les actions qui lui avaient été attribuées de 2015 à 2018 car il n'avait pu exercer ses fonctions à partir de novembre à cause de son arrestation au Japon sur des présomptions de malversations financières chez Nissan, qu'il dément.

Concernant la retraite chapeau de Carlos Ghosn - 770.000 euros par an jusqu'à son décès - les administrateurs ont estimé qu'aucune rente ne pourra lui être versée car les conditions de départ du PDG ne correspondent à aucun des deux cas d'ouverture de ce régime.

Le conseil d'administration a également confirmé avoir porté à la connaissance de la justice française des éléments d'alerte relatifs à des versements relatifs effectués au profit de l'un des distributeurs de Renault au Moyen-Orient.

Reuters avait rapporté lundi ce signalement au parquet après la découverte par le constructeur de paiements suspects à un partenaire commercial de Renault-Nissan à Oman, au Moyen-Orient.

GHOSN PROMET DE "DIRE LA VÉRITÉ"

Selon le conseil, l'audit conjoint de Renault et Nissan sur l'entité néerlandaise de l'alliance, Renault-Nissan BV, a lui aussi fait apparaître des dépenses, susceptibles d'atteindre plusieurs millions d'euros depuis 2010, qui soulèvent "de sérieux questionnements" quant à leur conformité.

Il demande aux vérificateurs d'achever leur travail dans les meilleurs délais et à la direction de Renault de se rapprocher de Nissan pour remédier aux déficiences découvertes par l'audit.

Après l'éclatement de l'affaire Ghosn, Renault avait cherché dans un premier temps à rester en dehors de l'enquête lancée par Nissan, qui avait démis son président dans la semaine qui a suivi son arrestation.

Mais la détention du PDG au Japon ne cessant de se prolonger, le groupe au losange avait fini par le remplacer en janvier par un président - Jean-Dominique Senard, également président de Michelin - et un directeur général.

Jean-Dominique Senard s'est vu confié comme mission première de restaurer la confiance au sein du groupe et d'en améliorer la gouvernance pour tourner la page de l'ère Ghosn.

Le conseil d'administration de Renault a lui aussi tourné une page importante mercredi en prenant acte de la décision de Carlos Ghosn de démissionner de son mandat d'administrateur à l'AG du 12 juin. Deux autres membres - Philippe Lagayette et Cherie Blair, dont les mandats arrivent à échéance - ne seront pas renouvelés.

Le conseil, qu'Annette Winkler, ancienne directrice de Smart , devrait pour sa part rejoindre, ne comptera donc plus que 18 membres, contre 20 jusqu'à présent.

Depuis le Japon, où il a été libéré sous caution début mars après plus de 100 jours de détention, Carlos Ghosn a posté mercredi un message sur un compte Twitter qui vient d'être créé pour annoncer qu'il allait "dire la vérité" lors d'une conférence de presse le 11 avril.

Plusieurs médias japonais rapportent de leur côté que la justice nippone prépare un nouveau dossier d'accusation contre l'ancien dirigeant de Renault et de Nissan. L'avocat de Carlos Ghosn a précisé n'avoir reçu aucune nouvelle demande de la part du parquet de Tokyo.

(Edité par Jean-Michel Bélot)