Avant cette AG, des sources proches du groupe et du gouvernement avaient en outre déclaré à Reuters que Jean-Dominique Senard, mécontent de l'attitude de l'Etat dans les négociations avec Fiat, avait subi un nouveau camouflet avec le refus du président de la République, Emmanuel Macron, de le recevoir.

La ratification de son mandat d'administrateur a finalement été votée avec environ 91% des voix et saluée par une salve d'applaudissements de la salle du Palais des congrès à Paris.

L'ancien président de Michelin avait été accueilli comme l'homme providentiel en janvier pour succéder à un Carlos Ghosn tombé en disgrâce.

Le projet de fusion avec Fiat Chrysler Automobiles, qu'il a défendu, a cependant échoué la semaine dernière après que l'Etat français a demandé un délai supplémentaire pour donner le temps au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, de surmonter les réticences de Nissan. Après cet épisode, le président de Renault a demandé à rencontrer Emmanuel Macron pour s'assurer de son soutien, en vain, selon les sources de Reuters.

"Le vote (du conseil sur le projet de Fiat) n'a pas pu avoir lieu, ce qui me désole", a déclaré le président de Renault à l'assemblée générale, arguant que le projet aurait créé un champion européen capable de rivaliser avec les géants chinois. "Je ne sais pas ce que l'avenir nous dira mais ce projet reste dans ma tête un sujet remarquable et d'exception."

SENARD A BON ESPOIR D'UN ACCORD AVEC NISSAN SUR LES COMITÉS

Sept mois après l'arrestation de Carlos Ghosn sur des accusations de malversations financières, que ce dernier dément, l'alliance franco-japonaise dont il a été l'artisan est en pleine crise. Nissan a refusé d'étudier la fusion complète avec Renault proposée par Jean-Dominique Senard, la priorité du groupe japonais consistant à desserrer l'étreinte de son partenaire français, qui détient 43,4% de son capital.

Jean-Dominique Senard s'est alors tourné vers une proposition de fusion avec FCA, préparée sans que Nissan ne soit au courant. Là encore, le président de Renault s'est heurté à un mur, quand son homologue chez Fiat, John Elkann, a retiré son offre face aux conditions fixées par l'Etat français, principal actionnaire de Renault.

Quelques jours plus tard, le président de Renault a fait part de son intention de bloquer la réforme de la gouvernance de Nissan à moins que Renault soit mieux représenté dans les puissants comités du groupe japonais, soulevant au passage une vague de protestation au Japon.

Jean-Dominique Senard a indiqué mercredi avoir bon espoir que le dialogue régulier qu'il entretient avec Nissan débouche sur un accord sur le sujet des comités.

Selon des sources proches de Renault, l'exaspération de Jean-Dominique Senard est encore montée d'un cran quand Bruno Le Maire, soucieux d'apaiser les tensions en marge du G20, a évoqué publiquement la possibilité d'une baisse de la participation de 15% de l'Etat dans Renault, voire de celle de Renault dans Nissan.

Le président de Renault, qui s'est senti court-circuité par ces déclarations surprise, a alors confié à des collègues qu'il attendait désormais d'être "soutenu au plus haut niveau", a dit une des sources. Mais celles-ci ajoutent que les services d'Emmanuel Macron ont décliné la proposition de rencontre.

"Aux dernières nouvelles il n'y avait pas de rendez-vous avec Senard à l'agenda du Président", s'est borné à déclarer l'Elysée.

EN FORME ET DÉCIDÉ À CONTINUER

Renault a refusé de faire un commentaire. Mais des sources proches du président du groupe automobile ont minimisé l'importance de ce refus, ajoutant que Jean-Dominique Senard était déterminé à rester à son poste.

Le président de Renault et Emmanuel Macron "communiquent régulièrement par SMS", a souligné l'une de ces sources, et le chef de l'Etat est très pris par d'autres sujets. "Jean-Dominique Senard est en forme, prêt pour son AG et bien décidé à continuer."

Une autre source gouvernementale a indiqué de son côté que le gouvernement ne cherchait pas à remplacer Jean-Dominique Senard. "Il a peut-être été mal conseillé. Il est bien évident que pour passer à autre chose (après l'affaire Ghosn), il aurait fallu changer aussi des personnes", a-t-elle dit.

L'une des principales missions confiées à Jean-Dominique Senard était de renouer avec Nissan un dialogue ébranlé par les révélations sur l'ancien homme fort de l'alliance.

Mais Hiroto Saikawa et Thierry Bolloré, deux anciens bras droits de Carlos Ghosn, respectivement directeur général de Nissan et de Renault, s'adressent à peine la parole, ce qui ne facilite pas vraiment l'apaisement, selon plusieurs sources.

"Il en a pleinement pris conscience", a indiqué une source familière du mode de pensée du président de Renault. "Donc on va voir comment ça continue. Il faut laisser passer l'AG et puis on verra après."

Parmi les développements récents au Japon, la position de Hiroto Saikawa peut sembler également fragilisée après que deux sociétés de conseil de premier plan ont recommandé de voter contre son maintien en poste à l'AG de Nissan, le 25 juin prochain.

Un vote négatif de Renault reste toutefois hautement improbable, le groupe devant soutenir les propositions du conseil d'administration de Nissan en vertu de l'accord de 2015, trouvé pour mettre fin à une crise liée à l'exercice de droits de vote double.

(Gilles Guillaume pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot et Bertrand Boucey)

par Laurence Frost, Michel Rose et Gilles Guillaume