* Les petits porteurs veulent une indemnisation supérieure

* Une question prioritaire de constitutionnalité posée (Actualisé avec bataille procédure)

PARIS, 28 octobre (Reuters) - Jean-Marie Messier, condamné en première instance pour des délits présumés au moment des déboires de son ex-société Vivendi Universal en 2002, tentera de laver son honneur lors de son procès en appel qui s'est ouvert lundi à Paris.

Il devra cependant compter avec près de 200 petits actionnaires qui avaient obtenu en première instance une indemnisation globale de 1,2 million d'euros et batailleront pour obtenir cette fois un montant très supérieur.

Une première passe d'armes a eu lieu dès lundi entre les avocats de la société et Me Frédérik-Karel Canoy, défenseur d'actionnaires individuels, qui qualifie "d'aberration juridique" que Vivendi soit partie civile.

Le procès fleuve de l'ancienne icône du capitalisme français, reconverti à 58 ans en banquier d'affaires, doit durer six semaines.

L'ex-président de Vivendi Universal avait été condamné en janvier 2011 à trois ans de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende pour "diffusion d'informations fausses ou trompeuses" et "abus de bien social".

Ce jugement était allé à l'encontre de l'avis du parquet, qui avait réclamé sa relaxe.

La première journée d'audience a été marquée par des demandes de nullité et le dépôt par l'un des six anciens dirigeants jugés en même temps que Jean-Marie Messier, d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

LES PETITS PORTEURS COMBATIFS

Les avocats d'Edgar Bronfman, directeur général de Warner Music à l'époque et condamné à 15 mois de prison avec sursis et cinq millions d'euros d'amende pour délit d'initié, ont plaidé le manque de clarté des textes français sur la question.

La cour rendra sa décision sur cette demande de QPC mardi.

Jean-Marie Messier avait transformé entre 1996 et 2002 la Compagnie générale des eaux en éphémère géant mondial de la communication, avec notamment le rachat de Canal+ et du groupe canadien Seagram, qui contrôlait le studio de cinéma Universal. Etranglé par les dettes et les pertes, le groupe a ensuite été contraint à une lourde restructuration.

Ce n'est toutefois pas sa gestion qui est en cause, mais sa communication publique, qui aurait donné une image erronée de la situation du groupe.

Les juges, qui l'ont qualifié de "prestidigitateur de dettes", ont considéré qu'il avait trompé pendant ses deux dernières années de gestion le public et les actionnaires sur l'état de la société alors que les créanciers étaient à ses portes.

Ils ont aussi retenu contre lui sa tentative d'obtenir sans l'avis préalable du conseil d'administration un parachute doré de 18,6 millions d'euros qualifié d'"abus de biens social".

Le tribunal a ordonné parallèlement l'indemnisation de dizaines de petits actionnaires, pour un total de 1,2 million d'euros.

"CHICANERIES"

Me Frédérik-Karel Canoy a annoncé qu'il réclamerait 160 euros par action, comme en première instance, plus 10 euros pour préjudice moral, alors que le tribunal correctionnel n'avait accordé que 10 euros aux petits actionnaires.

"Dix euros, ce n'était pas la réparation intégrale du préjudice", a dit l'avocat à Reuters, soulignant que l'action Vivendi, qui était au plus haut du temps de Jean-Marie Messier, à près de 150 euros, est tombée à 8 euros à son départ et évolue aujourd'hui à moins de 19 euros.

L'avocat, qui multiplie les procédures pour faire reconnaître la responsabilité de Vivendi, a cité le groupe a comparaître pour qu'il soit condamné civilement en dommages et intérêts.

Il s'appuie sur un arrêt définitif de novembre 2009 de la cour d'appel, après renvoi par la cour de cassation, reconnaissant Vivendi coupable d'avoir trompé le public et surpris la confiance des marchés.

L'un des défenseurs du groupe de communication, Olivier Baratelli, a plaidé que "Me Canoy et ses quarante porteurs", n'avaient pas respecté le délai de dix jours pour déposer une telle citation.

Il a reproché à son confrère de multiplier les "chicaneries" depuis dix ans contre Vivendi à seules fins de faire parler de lui.

La cour d'appel ne se prononcera sur le fait de savoir si Vivendi peut être condamné civilement que dans son jugement, qui ne devrait pas être rendu avant cinq mois. (Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)