* Condamné en première instance, Jean-Marie Messier défendra son honneur

* Des petits porteurs espèrent une indemnisation bien supérieure

par Gérard Bon

PARIS, 27 octobre (Reuters) - Jean-Marie Messier, condamné en première instance pour des délits présumés au moment des déboires de son ex-société Vivendi Universal en 2002, tentera de laver son honneur lors de son procès en appel qui s'ouvre lundi à Paris.

Il devra cependant compter avec des petits actionnaires qui, parties civiles, avaient obtenu une indemnisation de plus d'un million d'euros et batailleront pour obtenir la confirmation de sa condamnation et des sommes très supérieures.

L'ex-icône du capitalisme français avait été condamné en janvier 2011 par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende.

Jean-Marie Messier avait transformé entre 1996 et 2002 la Compagnie générale des eaux en éphémère géant mondial de la communication, avec notamment le rachat de Canal+ et du groupe canadien Seagram, qui contrôlait le studio de cinéma Universal. Etranglé par les dettes et les pertes, le groupe a ensuite été contraint à une lourde restructuration.

Trois des anciens collaborateurs de Jean-Marie Messier au sein du groupe de médias et de communication jugés avec lui avaient été condamnés à des peines inférieures, et trois autres relaxés.

Ce jugement était allé à l'encontre de l'avis du parquet, qui avait réclamé sa relaxe.

Jean-Marie Messier a été reconnu coupable de "diffusion d'informations fausses ou trompeuses aux marchés et abus de biens sociaux", mais relaxé du chef de "manipulation de cours".

Les juges, qui l'ont qualifié de "prestidigitateur de dettes", ont considéré qu'il avait trompé le public et les actionnaires sur l'état de VU, dont il disait qu'il allait "mieux que bien" alors que les créanciers étaient à ses portes.

Ils ont retenu contre lui sa tentative d'obtenir sans l'avis préalable du conseil d'administration un parachute doré de 18,6 millions d'euros qualifié d'"abus de biens social".

"UN MILLION DE VICTIMES"

Le tribunal a aussi ordonné l'indemnisation de dizaines de petits actionnaires, pour un total de 1,2 million d'euros.

La défense ne souhaite pas s'exprimer avant l'audience, a déclaré à Reuters l'un des avocats, Me Francis Szpiner.

Tout en regrettant sa propre arrogance, Jean-Marie Messier avait contesté tout délit, disant avoir agi de bonne foi et estimant avoir été victime du contexte économique de 2002.

Il avait trouvé le jugement "incompréhensible" et "profondément injuste", près de 10 ans après les faits.

Didier Cornardeau, représentant de petits actionnaires qui étaient parties civiles, avait alors salué "une grande victoire de la justice française".

Frédérik-Karel Canoy, avocat représentant les actionnaires individuels, a annoncé qu'il réclamerait 160 euros par action, comme en première instance, plus 10 euros pour préjudice moral.

Le tribunal correctionnel n'avait accordé que dix euros par action aux petits actionnaires.

"Dix euros, ce n'était pas la réparation intégrale du préjudice. C'est ridicule et inacceptable", a dit l'avocat à Reuters, soulignant que l'action Vivendi, qui était au plus haut du temps de Jean-Marie Messier, à près de 150 euros, est tombée à 8 euros à son départ et évolue aujourd'hui à moins de 19 euros.

"C'est un crash financier de 160 milliards, qui a fait un million de victimes, et ça va être une guerre totale sur le plan juridique", a-t-il ajouté.

LA MÊME PRÉSIDENTE QUE POUR KERVIEL

En janvier 2010 aux Etats-Unis, un jury populaire avait retenu la responsabilité de Vivendi mais écarté celle de Jean-Marie Messier, pour des faits d'information fausse, à la suite d'une procédure en nom collectif (class action).

Parmi les autres prévenus en première instance, Edgar Bronfman Jr, directeur général de Warner Music à l'époque des faits, a été condamné à quinze mois de prison avec sursis et cinq millions d'euros d'amende pour délit d'initié.

Guillaume Hannezo, ancien directeur financier de la société, a été condamné à quinze mois de prison avec sursis et Eric Licoys, ex-directeur général de Vivendi Universal, à six mois de prison avec sursis.

Partie civile, la société Vivendi ne demandait pas de réparation à ses anciens dirigeants. Elle n'a souhaité faire aucun commentaire avant l'ouverture des débats, précisant être partie civile comme en première instance.

Mais Me Canoy indique qu'il tentera d'obtenir de la cour que le groupe soit condamné civilement en dommages et intérêts, ce qu'il n'avait pas obtenu au premier procès.

Il souligne que la présidente de la cour est celle qui a condamné en appel l'ancien trader Jérôme Kerviel à payer 4,9 milliards d'euros à la Société générale, pour les pertes de trading qui lui sont imputées. (Edité par Marc Angrand)