Dirigé par Jean-Michel Aulas depuis plus de 23 ans, l’OL Groupe ce n’est pas seulement l’équipe de football de la ville de Lyon, entrainée depuis 2008 par Claude Puel. C’est aussi huit filiales opérant dans des secteurs aussi variés que les médias (OL Images), les services (OL Organisation), la distribution (OL Merchandising), la restauration (l’OL Brasserie) ou les voyages. Le groupe OL détient une participation dans OL Voyages qui gère les déplacements de l’OL évidemment, mais aussi ceux de l’ASVEL Basket et ceux de la fédération française de Volley Ball. Vous l’aurez compris, le groupe OL c’est un véritable business. Un business qu’il convient d’étudier à la lumière de ces diverses activités ; c’est pourquoi nous avons décortiqué les comptes consolidés du groupe.

Le 8 novembre dernier, OL Groupe dévoilait ses résultats pour le premier trimestre de l’année en cours. Ce premier bilan a-t-il redonné le sourire aux dirigeants et aux actionnaires et leur a-t-il fait oublier la douleur liée aux résultats annuels de l’exercice précédent ? Car oui, le bilan de la saison dernière paru fin octobre fut douloureux. Piqure de rappel. -35 millions, c’est le chiffre qui occupait la case « Résultat net ». Plus crûment, cela revient à parler d’une perte de 35 millions d’euros entre le 30 juin 2009 et le 30 juin 2010. Ce chiffre a marqué les mémoires. Le club rhodanien était en effet bénéficiaire depuis cinq ans. A titre de comparaison, le groupe avait enregistré un bénéfice (c’est à dire un résultat net positif) de 5 millions d’euros en 2009 et de près de 20 millions d’euros en 2008. Comment un tel groupe a-t-il pu réaliser un tel chiffre ? Retour sur une année délicate.

Un groupe déficitaire oui, endetté non !
Depuis 2007, le chiffre d’affaires est en constante diminution. Alors que le total des activités d’OL Groupe s’élevait à 214 millions d’euros en 2007, il a baissé en 2008 (211 millions d’euros) et en 2009 (191 millions d’euros) pour dégringoler en 2010 à 160 millions d’euros. Ces signaux témoignent de la difficulté croissante de l’entreprise à générer du bénéfice à partir de son activité principale. La rentabilité économique réelle de la société diminue. Elle est contrainte de ponctionner progressivement sa trésorerie pour financer investissements et charges.

Prise dans un véritable cercle vicieux, le groupe voit fondre sa trésorerie comme neige au soleil. Entre le 30 juin 2009 et le 30 juin 2010, OL Groupe a vu sa trésorerie tomber de 102 millions d’euros à 36 millions d’euros ! Mais pas de panique pour autant ! Le groupe n’est pas exposé au risque de liquidité dans la mesure où la trésorerie reste positive, c’est à dire que l’entreprise reste créditrice vis à vis de ses tiers. OL Groupe est certes déficitaire sur l’année 2009/2010 mais il n’est pas endetté !

Un marché des transferts atone
Cette situation déficitaire, les dirigeants l’expliquent par un contexte du marché du trading atone et par la chute des contrats de sponsoring. Reposons le contexte. Tout se passe entre l’été 2009 et l’été 2010. Tout, c’est la chute des produits des cessions des contrats joueurs (-73,1% par rapport à l’année précédente) et le petit rebond des produits des activités hors contrats joueurs (+4,7% par rapport à l’exercice 2008/2009).

Le premier point vous interpelle ? C’est normal, il reflète la « non réalisation de plus-values significatives sur cessions de contrats joueurs », autrement dit un marché des transferts désespérément calme. Les ventes de Fabio Grosso, d’Anthony Mounier et de Kader Keita en août et juillet 2009 n’ont rapporté que 14,1 millions d’euros au club rhodanien ; soit 38,3 millions de moins que les cessions effectuées en 2008/2009. Cette absence de vente majeure est due, bien entendu, au contexte de crise économique mondiale mais aussi à l’instauration par l’UEFA du « Financial Fair Play », c’est à dire du règlement interdisant les clubs à dépenser plus que le chiffre d’affaire réalisé (principe du « break-even » cf. encadré)

Des contrats publicitaires à la merci de la législation
L’autre élément clé concerne l’activité contrats/Publicités qui enregistre sur l’année 2009/2010 une baisse de 31%. Ce pôle de revenu n’a rapporté que 14,7 millions au groupe contre 21,3 millions d’euros l’année dernière. En fait, cette chute s’explique par un élément totalement externe au groupe. En octobre 2009, le groupe signe un contrat avec Betclic qui devient le nouveau partenaire majeur maillot Champions League et domicile Championnat pour une durée de quatre ans.

Oui mais voilà, la législation en faveur de la libéralisation des paris et jeux en ligne se fait attendre…attendre, au point que l’OL se voit dans l’impossibilité d’afficher le sponsor Betclic sur les maillots des joueurs au cours de la saison 2009/2010. Cet élément a sérieusement pénalisé les revenus liés aux partenariats et explique en partie la perte annuelle de 35 millions d’euros. Heureusement les progressions des pôles revenu billetterie (+10,7%) et droits TV (+15,1%), liées à la performance sportive du Club en Champions League, ont permis de contrecarrer ce coup dur.

Vous comprendrez aisément le soulagement de Jean-Michel Aulas, le 6 avril 2010 lorsque la loi sur l’ouverture à la concurrence des jeux et paris en ligne est adoptée par l’Assemblée Nationale ! Le groupe peut enfin afficher son sponsor et engranger les revenus associés. Les résultats du premier trimestre 2010/2011 témoignent parfaitement de ce rebond. Les produits de partenariats et publicité affichent une progression de 24,3% et s’élèvent à 4,6 millions d’euros ! Ils bénéficient de la pleine application du contrat signé avec Stéphane Courbit, via sa filiale Mangas Gaming. A domicile, le maillot est blanc avec le logo Betclic, et à l’extérieur, le maillot est rouge avec comme sponsor Everest Poker. D’autres contrats sont venus dopés les revenus, à l’instar de celui conclu avec Adidas pour une durée de dix ans, avec Groupama, les adhésifs Araldite, Renault Trucks, MDA ou encore Keolis.

Carton rouge au 1er trimestre 2010/2011
Hélas, la bonne santé du sponsoring au premier trimestre 2010/2011 cache un paysage financier plus triste. Tous les autres postes de revenu sont en baisse. Les recettes de la billetterie perdent 2,4% et les droits TV dégringolent de 16% du fait des résultats sportifs du début de saison en championnat moins bons que la saison dernière. Les produits des cessions des contrats joueurs s’élèvent eux à 5,4 millions d’euros, soit 8,6 millions d’euros de moins qu’au premier trimestre 2009/2010.

Tous ces chiffres, corrélés à des investissements faramineux (l’OL a acheté Yohann Gourcuff pour plus de 20 millions d’euros en août 2010) ont engendré ce qu’on appelle un effet ciseau. Le chiffre d’affaires a ainsi lourdement chuté au premier trimestre. Celui-ci a reculé de 24,5% à 34,8 millions d’euros. En effet, au premier trimestre de l’exercice précédent OL Groupe affichait un chiffre d’affaires de 46,1 millions d’euros. Rien de bien encourageant donc lorsqu’on sait, que l’année dernière, avec un chiffre d’affaires au premier trimestre supérieur, le groupe a enregistré un résultat net négatif. Cette situation financière délicate a poussé OL Groupe a lancé, en décembre dernier, l’émission d’OCEANE à échéance 28 décembre 2015 d’un montant nominal de plus de 24 millions d’euros. Cette émission d’obligations vise à diversifier les sources de financement de la Société. Les fonds levés permettront de compléter l’achat de Gourcuff, d’acheter de nouveaux joueurs et de mener de nouvelles campagnes markéting.

En ce qui concerne les performances sportives, en ce début février, le bilan est mitigé. L’OL est parvenu à revenir dans le haut du tableau malgré un début de saison en championnat inquiétant. Le club est qualifié pour la deuxième phase de la Ligue des Champions. Par contre, il s’est fait sortir des deux coupes nationales (Coupe de France et Coupe de la Ligue).

Quelle issue pour le projet du Grand Stade ?
Dans quelques semaines, le mercredi 23 février 2011 exactement, OL Group publiera les résultats du deuxième trimestre et par la même occasion les chiffres du 1er semestre de l’exercice 2010/2011. L’évolution du groupe dépend largement de l’issue que trouvera le dossier « OL Land ». Les investisseurs, en retrait, attendent patiemment qu’une décision soit prise. S’il est validé, le projet Grand Stade verrait le jour en décembre 2013 sur le site du Grand Montout à Décines. L’objectif serait d’accueillir des matches de l’Euro 2016 organisés en France.

Le président du Grand Lyon Gérard Collomb et Jean-Michel Aulas ont rencontré Claude Guéant, le secrétaire général de la présidence de la République à l’Elysée mercredi 19 janvier pour défendre leur projet. Claude Guéant aurait assuré à Gérard Collomb qu’une décision serait prise « dans les dix jours ». Si l’Elysée signe, le projet sera déclaré « d’intérêt général » ce qui permettra aux collectivités locales de financer les accès à cet équipement privé. Pour la construction du stade Aulas compte sur des fonds privés. Le coût global du projet Grand Stade OL est estimé à 450 millions d’euros. Cet investissement sera réparti entre l’Olympique Lyonnais et les différents partenaires ou investisseurs privés. Pour financer ce projet, OL Group fera appel à ses fonds propres (1/3), à l’emprunt (1/3) et aux contrats commerciaux (1/3).

Mais Jean-Michel Aulas n’a pas attendu le feu vert du gouvernement pour déposer, le 18 janvier 2011, la demande de permis de construire du « Stade des Lumières » à la mairie de Décines. Ce nom est bien entendu provisoire, le temps de choisir le sponsor le plus offrant qui donnera son nom au stade. Ce concept, appelé « naming » est une sorte de parrainage consistant à donner à une enceinte sportive le nom du partenaire extérieur ayant effectué un apport financier important. L’OL a ainsi lancé un appel de fonds, fin 2010, afin de trouver une entreprise parraine. Le partenaire principal sera choisi en avril 2011. L’Allianz Arena de Munich (du nom de la société d’assurances Allianz) et l’Emirates Stadium d’Arsenal (du nom de la compagnie aérienne Emirates) sont des exemples de naming. Notons que le Grand Stade Lille Métropole, ainsi que les nouveaux stades de Nice, Valenciennes et Bordeaux devraient suivre le même chemin.

Nous saurons si le permis de construire du Grand Stade est accordée le 1er septembre prochain. Cette décision sera déterminante pour l’avenir du club rhodanien, car il est clair qu’un tel équipement permettra à l’OL de s’imposer sur la scène européenne, de booster son image et surtout de générer de nombreux revenus (billetterie, contrat de « Naming », événementiel).

L’action OL a perdu 75% de sa valeur depuis son introduction
Depuis l’IPO sur Euronext Paris le 26 Janvier 2007, OL Groupe doit publier régulièrement ses résultats. L’autorité des Marchés Financiers veille à cette exigence de transparence. Le jour de l’introduction en Bourse, l’action OLG valait 25,60 euros. Le plus haut cours historique fut atteint…le jour de l’introduction ! Depuis, la valeur de l’action n’a cessé de baisser pour atteindre, au plus bas historique, 5,40 euros en mars 2009. L’action cote aujourd’hui à 6,25 euros. Le titre a donc perdu 75% de sa valeur depuis son introduction en janvier 2007.


Focus sur le "Financial Fair Play" décidé par l’UEFA
Le comité exécutif de l’UEFA a approuvé en septembre 2009 le principe du Fair Play Financier. La mise en œuvre de ce règlement se fera progressivement sur trois années : 2010, 2011 et 2012. La pierre angulaire repose sur le principe de "break even". Les clubs doivent respecter l’exigence de seuil de rentabilité : ils ne peuvent pas dépenser plus d’argent qu’ils n’en génèrent. Cette rationalisation financière vise à introduire plus de discipline et de stabilité économique dans les finances des clubs européens. L’UEFA entend diminuer l’effet inflationniste lié aux frais de transferts et aux salaires mirobolants tout en prônant une entreprise responsable et un système viable à long terme.


Pauline Raud, avec la bienveillance de Patrick Rejaunier et Etienne Veber