Suez a dénoncé mardi la tentative de "prise de contrôle rampante" de Veolia au lendemain du feu vert donné par Engie à la cession de ses 29,9% dans le groupe de service aux collectivités contre l'avis de l'Etat français, qui a de nouveau appelé au dialogue.

Prenant acte d'une opération réalisée de "manière hostile et dans des conditions inédites et irrégulières", Suez a déclaré dans un communiqué qu'il mettrait en oeuvre "tous les moyens à sa disposition" pour préserver les intérêts de ses salariés, de ses clients et de tous ses actionnaires, et "éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait".

Le conseil d'Engie, contre l'avis de l'Etat, a donné lundi soir son feu vert à la vente à Veolia de l'essentiel de sa participation dans Suez.

Dans la foulée, Veolia a confirmé sa volonté de lancer une offre sur le solde du capital de Suez au prix de 18 euros par action, identique à celui proposé pour le bloc d'Engie, pour un coût total avoisinant 11,2 milliards d'euros.

Le groupe dirigé par Antoine Frérot a redit que cette offre ne serait pas lancée sans avoir obtenu au préalable un accueil favorable du conseil d'administration de Suez, avec lequel il espère reprendre les discussions dès ce mardi.

Suez s'était déclaré immédiatement hostile à un rachat par son concurrent et misait, pour se défendre, sur le projet d'offre alternative emmené par le fonds d'investissement français Ardian.

Après un mois de bras de fer, et en dépit des nombreuses rencontres entre les dirigeants de Suez et Veolia, aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé.

Faisant le constat de ce désaccord, l'Etat français, qui avait appelé à de nombreuses reprises les parties à trouver un accord, a voté contre la proposition de Veolia au conseil.

"DÉFENSE AGRESSIVE"

Mardi, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire a déploré "l'intransigeance" de Suez et "la précipitation" de Veolia, réaffirmant que le succès d'un tel rapprochement dépendait de la capacité des deux groupes à trouver un accord amiable.

"L'Etat n'a pas ménagé ses efforts pour essayer de bâtir cet accord amiable et je le redis, nous y avons passé tout le week-end, nous étions à quelques centimètres de cet accord (...)", a-t-il déclaré.

"Cette opération ne fonctionnera pas s'il n'y a pas d'accord amiable entre Suez et Veolia", a ajouté Bruno Le Maire. "Je souhaite que les discussions reprennent tout de suite" entre les deux groupes, a-t-il dit.

Le Premier ministre lui a fait écho dans l'après-midi à l'Assemblée, lors des questions d'actualité au gouvernement.

"Nous demandons que ces discussions se poursuivent pour atteindre le respect clair et net des objectifs que nous avons fixés", a déclaré Jean Castex. Ces objectifs, a-t-il poursuivi, sont la sauvegarde de l'emploi, celle "d'une logique industrielle", "le respect des règles de concurrence pour le marché de l'eau et de l'assainissement dans les collectivités territoriales" et "le respect des règles de souveraineté pour que ce segment stratégique demeure sous pavillon national".

De son côté, le président d'Engie Jean-Pierre Clamadieu a dit regretter mardi dans un entretien au Monde la "défense agressive" et le "rejet complet" par Suez de la proposition de Veolia.

"Suez s'est enfermé dans les échanges d'invectives au lieu de construire une offre alternative ou d'améliorer celle de Veolia", déclare-t-il, niant par ailleurs avoir défié l'Etat en donnant son feu vert à la cession de ses parts en dépit de l'opposition de son premier actionnaire.

"Cela ne remet en cause ni la relation entre Engie et l'Etat ni ma volonté de rechercher le plus souvent possible un alignement d'intérêt entre Engie et son principal actionnaire. Mais cela n'est pas garanti structurellement (...) Lundi soir, nous avons sereinement constaté notre différence d'appréciation", explique Jean-Pierre Clamadieu.

A la Bourse de Paris, l'action Suez gagnait dans la matinée 4,31% à 16,065 euros. La valeur a grimpé de plus de 30% depuis la déclaration d'intérêt de Veolia fin août.

Dans le même temps, l'action Veolia a reculé de 2,6%. Le titre avançait mardi de 0,75% tandis qu'Engie progressait de 1,34%.

(Blandine Hénault, avec Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief, édité par Gwénaëlle Barzic)