(Actualisé avec réaction du National Enquirer)

par Jeffrey Dastin et Nandita Bose

WASHINGTON, 8 février (Reuters) - Jeff Bezos, le directeur général d'Amazon, accuse un journal pro-Trump d'avoir tenté de le faire chanter en menaçant de publier des photos "intimes" de lui avec sa compagne.

Selon Bezos, American Media Inc (AMI), qui possède le journal National Enquirer, a menacé de publier ces clichés s'il ne déclarait pas publiquement que les articles du tabloïd à son sujet n'avaient aucune visée politique.

Dans un communiqué, American Media Inc. s'est dit "ardemment convaincu d'avoir agi dans le respect de la loi".

Le National Enquirer est l'un des tabloïds les plus lus aux Etats-Unis. AMI a longtemps entretenu des liens étroits avec le président américain Donald Trump.

Dans un post de blog publié jeudi, Jeff Bezos fait état d'un courriel adressé par un responsable des services juridiques d'AMI, Jon Fine, à un avocat de Gavin de Becker, un consultant en sécurité employé par Bezos.

Selon le patron d'Amazon, AMI propose dans ce courriel que De Becker et Bezos reconnaissent publiquement qu'"ils n'ont aucune information ni élément pour suggérer que la couverture d'(AMI) est motivée par des considérations politiques ou influencée par des forces politiques".

En contrepartie de cette reconnaissance, selon le courriel, AMI propose de "ne pas publier, distribuer, partager ou décrire des textes et des photos non encore publiées".

Jeff Bezos estime que la démarche d'AMI équivaut à une "proposition d'extorsion".

"Bien sûr, je ne veux pas que des photos personnelles soient publiées, mais je ne participerai pas non plus à leur pratique bien connue de chantage, de faveurs politiques, d'attaques politiques et de corruption", écrit le milliardaire.

"Je préfère faire face, tout secouer et voir ce qu'il en sort."

Dans son communiqué, AMI déclare qu'il était, au moment des faits dénoncés par Bezos, en train de "négocier de bonne foi pour résoudre tous les problèmes avec lui".

"A la lumière de la nature des allégations publiées par M. Bezos, le conseil d'administration a décidé d'enquêter rapidement et minutieusement sur ces affirmations", ajoute AMI,

"JEFF BOZO"

Le 10 janvier, soit au lendemain de l'annonce du divorce de Jeff et MacKenzie Bezos après 25 ans de mariage, le National Enquirer a consacré un article de 11 pages à une liaison qu'aurait eue le patron d'Amazon avec Lauren Sanchez, une ancienne présentatrice de télévision, avec photos et SMS à clef.

Cherchant à déterminer comment le magazine avait pu mettre la main sur de tels documents, Jeff Bezos a alors fait appel aux services de Gavin de Becker. Très rapidement, ce dernier a dit à la presse que les révélations publiées par le National Enquirer avaient une motivation politique.

Jeff Bezos, Amazon et Washington Post font régulièrement l'objet d'attaques lancées par Donald Trump sur Twitter.

Le Washington Post a publié de nombreux articles critiques vis-à vis du président américain. Ce dernier estime que le journal agit comme le "lobbyiste en chef" d'Amazon, sans avancer de preuve. Dans un tweet réagissant à l'article de National Enquirer sur le divorce de Jeff Bezos, Donald Trump a traité ce dernier de "Jeff Bozo" (Jeff le stupide).

"Il est inévitable que certaines personnes puissantes qui font l'objet d'articles du Washington Post vont conclure à tort que je suis leur ennemi", écrit Jeff Bezos. "Le président Trump est l'une de ces personnes, ce qui ressort clairement de ses nombreux tweets."

L'extorsion présumée suscite des interrogations chez certains observateurs judiciaires, qui se demandent si AMI et son directeur général, David Pecker, n'ont pas de ce fait enfreint un accord passé entre la maison mère du National Enquirer et les procureurs fédéraux concernant le paiement d'un montant de 150.000 dollars (132.000 euros) versé pour faire taire Karen McDougal, le mannequin de Playboy qui affirme avoir eu une liaison avec Donald Trump.

L'absence de poursuites était subordonné au fait qu'AMI ne commette pas d'autre infraction, selon le bureau du procureur de New York.

Un porte-parole du bureau s'est refusé à tout commentaire.

Jeff Bezos, à la tête d'une fortune de plus de 120 milliards de dollars, a déclaré dans sa tribune: "Si, dans ma position, je ne peux pas résister à ce genre d'extorsion, combien de personnes peuvent le faire?" (Claude Chendjou et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)