« Si j’étais aujourd’hui un gestionnaire de portefeuille de bons du Trésor… je changerais de métier. » Dans sa dernière saillie, sur CNBC, Jim Rogers prédit pour les Etats-Unis et le monde occidental une stagflation bien plus terrible que celle des années 1975-1980. Petit rappel pour ceux qui ont eu la chance de ne pas connaître cette période : la stagflation se caractérise par une inflation galopante (8% par an en moyenne aux USA), un taux chômage élevé (plus de 9%) et une croissance molle. Et en corolaire de ce sombre tableau : la quasi-impossibilité de réaliser le moindre profit sur les marchés d’actions.

Spirale inflationniste
Le Cassandre au nœud papillon explique assez clairement d’où lui viennent ces idées sombres. L’inflation s’aggrave. Dans le même temps les gouvernements impriment de plus en plus de monnaie et émettent de plus en plus de bons du Trésor pour financer leurs dettes. Au final, le prix des obligations gouvernementales vont inévitablement baisser. A ses yeux, un homme porte une lourde responsabilité dans la crise qui se profile : Ben Bernanke, le président de la Réserve Fédérale.

Selon Jim Rogers, Bernanke dispose d’assez de liquidités pour racheter les bons du Trésor américain et soutenir les cours. Il maintient ainsi artificiellement les taux d’intérêt à un niveau assez bas. Mais par cette politique, il crée une véritable « bulle » et ne fait qu’aggraver la crise. A terme, cette politique conduira à un affaiblissement sensible du dollar et les investisseurs étrangers se détourneront des obligations américaines. Jusqu’au point où les cours des titres baisseront. Selon le site BeaconEquity.com, ce moment est même peut-être plus proche que ne l’imagine Jim Rogers. Depuis la mi-août, les investisseurs étrangers se seraient déjà délestés de 83 milliards de dollars de bons du Trésor américains.

Qui veut encore de la dette américaine ?
Le raisonnement de Jim Rogers tient la route. L’Europe est bien trop empêtrée dans sa crise de solvabilité pour financer la dette américaine. Et la Chine, qui pourrait aisément jouer ce rôle de grand créancier du monde, n’a aucun intérêt à soutenir sa principale rivale commerciale. En outre Jim Rogers estime que la prochaine stagflation sera bien pire que la précédente. Dans les années 1970, seuls les Etats-Unis avait opté pour une politique monétaire expansionniste. Or, aujourd’hui, pour venir au secours des banques et maintenir à flots les finances publiques des Etats, la plupart des banques centrales des pays industrialisés pratiquent une politique laxiste sur la monnaie et l’inflation.

Mais ne vous jetez pas tout de suite sur votre antidépresseur préféré. Il y a également de réelles différences entre la situation actuelle et celle d’il y a 35 ans. A l’époque, les salaires étaient très souvent indexés sur les prix, aggravant sensiblement la spirale inflationniste. Aujourd’hui – et peut-être au grand dam des salariés – ce n’est plus le cas. Selon le responsable des études économiques d’ING, Rob Carnell, on peut également espérer que le maintien de taux d’intérêt assez bas incite à terme les banques à augmenter l’offre de crédits aux entreprises, et relance in fine la croissance.

Dans le doute, on peut encore suivre le conseil de Jim Rogers : rester totalement à l’écart des bons du Trésor, ne pas trop s’aventurer sur les marchés d’actions et miser la majeure partie de ses billes sur les matières premières, notamment agricoles. Et si Jim le fait, les investisseurs seraient peut-être bien inspirés de l’imiter.