Nissan est sur le point de demander à Renault de réduire de manière significative sa participation de 43,4% dans son capital en échange de son soutien à un rapprochement avec Fiat Chrysler (FCA), ont également déclaré à Reuters deux personnes au fait des intentions du groupe japonais.

Rien ne dit à ce stade qu'un effort concerté permettrait de relancer l'accord complexe et politiquement difficile proposé entre Renault et FCA.

En Bourse, l'action Renault gagnait près de 2% en matinée après ces informations. A Milan, FCA prenait 2,4%.

Le président du groupe italo-américain, John Elkann, a brusquement retiré son offre de fusion à 30 milliards d'euros le 6 juin. L'Etat français, principal actionnaire de Renault, venait de faire reporter un vote du conseil d'administration sur le projet en demandant plus de temps pour gagner le soutien de Nissan. Les représentants de Nissan avaient déclaré qu'ils s'abstiendraient.

L'échec, que FCA et Renault imputent au gouvernement français, a privé les deux groupes de la possibilité de créer le troisième constructeur automobile mondial, avec à la clé la promesse de 5 milliards d'euros de synergies annuelles.

Il a également braqué une nouvelle fois les projecteurs sur les relations entre Renault et Nissan, toujours délicates depuis l'arrestation en novembre de l'ancien président de l'alliance Carlos Ghosn, qui doit être jugé au Japon pour des accusations de malversations financières, ce qu'il nie.

DISCUSSIONS

FCA, dont les marques comprennent les SUV Jeep, les pick-up RAM et les voitures de sport Maserati, a jusqu'ici fait la sourde oreille aux suggestions des responsables français de réexaminer sa proposition de fusion.

Mais depuis la rupture, John Elkann et son homologue français Jean-Dominique Senard ont évoqué la possibilité de relancer le projet, qui a enthousiasmé le président de Renault et son directeur général Thierry Bolloré, ont déclaré trois sources au sein de l'alliance.

Renault et un porte-parole de FCA se sont refusés à tout commentaire.

Toby Myerson, l'un des principaux conseillers de John Elkann pour le projet avec Renault, était attendu lundi au siège de Nissan à Yokohama pour des entretiens exploratoires avec la direction du groupe japonais, ont dit deux personnes au courant du dossier. Le directeur général de Nissan Hiroto Saikawa devrait y assister.

Toby Myerson n'a pas répondu à une demande de commentaire de la part de Reuters.

La réunion a lieu alors que des tensions croissantes pourraient empêcher tout compromis. Renault a en effet laissé entendre qu'il bloquerait l'adoption des réformes de gouvernance de Nissan s'il n'était pas mieux représenté dans la nouvelle organisation, une position jugée "hautement regrettable" par le constructeur japonais.

La logique industrielle et les économies possibles d'une fusion entre Renault et FCA sont cependant difficiles à ignorer.

RÉÉQUILIBRAGE

Hiroto Saikawa, qui a toujours déclaré que les participations au sein de l'alliance devaient "être rééquilibrées" pour refléter la taille supérieure de Nissan, plaiderait, selon les mêmes sources, pour une réduction substantielle de la participation de Renault dans le cadre de tout accord. La participation de 15% de Nissan dans Renault ne comporte aucun droit de vote.

"Si FCA s'attend à une sorte de négociation, elle doit anticiper cette demande", a dit l'une des sources.

L'accord entre Renault et FCA aurait permis aux deux entreprises d'être acquises par une société de portefeuille néerlandaise détenue à 50-50 par les actionnaires actuels de FCA et de Renault, après le versement d'un dividende spécial de 2,5 milliards d'euros aux actionnaires de FCA.

Paris avait obtenu des garanties sur l'emploi et un paiement en numéraire aux actionnaires de Renault, à la suite de critiques selon lesquelles l'offre sous-évaluait Renault.

Pour Nissan, toutefois, la fusion "échangerait un petit actionnaire à 43% contre un actionnaire plus important à 43% qu'elle ne connaît pas", a déclaré une source proche de la direction. Nissan ne pourrait soutenir un accord entre Renault et FCA qu'avec une "réduction substantielle" de la participation du constructeur automobile français, ont dit les sources.

La France pourrait ne pas s'opposer automatiquement à une réduction de la participation dans Nissan si cela permet d'assurer la place de Renault au sein d'un groupe consolidé. Le gouvernement a également déclaré qu'il pourrait, dans le même but, réduire la participation de 15% de l'Etat français dans Renault.

"Toutes les options peuvent être envisagées", a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire au journal Le Figaro après l'échec du projet de rapprochement, interrogé sur des pressions exercées par le Japon sur Renault pour réduire sa participation dans Nissan.

NOUVELLE OCCASION

Mais un haut responsable du ministère a refusé d'être plus explicite sur cette possibilité. "Il n'y a plus de proposition", a-t-il dit.

FCA pourrait également être prêt à faire des compromis pour permettre une fusion qui lui permettrait de combler les lacunes technologiques qui menacent sa capacité à suivre la transition vers les véhicules électriques et le durcissement des réglementations sur les émissions polluantes.

Il a peu de partenaires potentiels après des discussions non concluantes avec le groupe PSA en début d'année. Les synergies estimées entre les deux groupes étaient proches de 3 milliards d'euros, selon une source informée du dossier.

FCA a déjà lancé une option d'achat qui permettrait à Nissan d'augmenter sa participation de 7,5% avec droits de vote dans une entité combinée FCA-Renault, a dit une autre personne impliquée dans les discussions.

Néanmoins, tout ce qui irait au-delà d'une réduction symbolique de la participation de Renault dans Nissan viendrait bouleverser l'évaluation d'une transaction de fusion.

"Ce n'est pas quelque chose que la FCA voudrait réduire", a déclaré la même personne. "Cela fait partie intégrante de la valeur de Renault."

John Elkann et Jean-Dominique Senard avaient prévu d'aller de l'avant dans le projet d'accord de fusion en dépit de l'abstention de Nissan, persuadés que la logique économique contraindrait le groupe japonais à suivre et à coopérer, ont dit des sources proches du conseil d'administration de Renault.

En bloquant cette stratégie à la dernière minute, l'Etat français a peut-être offert à Nissan une nouvelle occasion de négocier. Une chose sur laquelle Renault et Nissan peuvent s'entendre c'est sur le fait que toute fenêtre d'opportunité pour relancer la fusion risque d'être courte.

"S'il y a un accord, ce sera probablement dans les semaines qui viennent plutôt que dans plusieurs mois", a déclaré un responsable de l'alliance.

(Avec Norihiko Shirouzu à Pékin et Giulio Piovaccari à Milan, Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)

par Laurence Frost