La crise des subprimes fait encore des vagues. Le pilier de Wall Street, Goldman Sachs, considéré comme "too big to fail" est actuellement au cœur de la tempête. La banque qui fait de la confiance la pierre angulaire de son business et qui proclame haut et fort que "l'intérêt de [ses] clients vient toujours en premier lieu" est poursuivie pour fraude.

La Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, frappe fort. En accusant Goldman Sachs de duplicité, elle dénonce non seulement les protagonistes mais aussi les produits d'un système qui déraille.

Abacus 2007-AC1
La plainte émane d'une enquête lancée en décembre 2009, suite aux investigations d'une journaliste du New York Times, Gretchen Morgenson. Goldman Sachs est accusé d'avoir trompé ses clients au bénéfice du fonds d'investissement Paulson & Co, fondé par John Paulson, 45ème fortune mondiale. Selon la SEC, la banque et son jeune trader français, Fabrice Tourre surnommé "Fabulous Fab", auraient abusé des clients investisseurs en vantant les mérites de produits qu'ils savaient toxiques.

Fin 2006, sentant le vent tourner, le fonds Paulson & Co anticipe l'éclatement de la bulle immobilière et parie sur l'effondrement des crédits hypothécaires à risques. Selon les Echos.fr, le fonds contacte Goldman Sachs et confie au trader chargé des produits structurés, la constitution d'un CDO (collateralized dedt obligations) synthétique, appelé Abacus. Paulson rémunère Goldman Sachs 15 millions d'euros pour avoir structuré et assuré son marketing.

Abacus est le fruit de la titrisation de créances immobilières. Des créances de nature similaire (ici des prêts immobiliers) sont regroupées au sein d'un même portefeuille puis cédées à un fonds qui finance le prix d'achat en plaçant ces titres, sous forme de tranches, auprès d'investisseurs. L'allemand IKB, notamment, achète des tranches du CDO et espère des rendements élevés, du fait de l'expansion du marché immobilier de l'époque.

Seulement voilà. Selon la SEC, Paulson aurait participé au choix des titres composant le portefeuille et aurait sélectionné des créances dont il anticipait la chute. Bien sûr, les investisseurs ignorent tout de cette contribution et des ambitions de Paulson : parier à la baisse sur ces dérivés.

Goldman Sachs, pompier pyromane ?
En décembre 2006, le directeur financier de Goldman Sachs, David Viniar, ordonne un délestage progressif de ces actifs toxiques suite aux lourdes pertes constatées. Aussitôt dit, aussitôt fait, Goldman Sachs prend des positions "short". Elle parie à la baisse sur ces titres alors qu'elle continue de les vendre à ses clients en position "long" comme si de rien n'était. En agissant de la sorte, la banque américaine affaiblie la valeur des titres vendus à ses clients.

Le gendarme de la bourse voit en Goldman Sachs un agent double. La banque, au vu des informations dont elle disposait, aurait du prévenir ses clients du risque qu'ils prenaient. Quant à Fabrice Torre, on l'accuse de ne pas avoir démenti la rumeur selon laquelle Paulson investirait des millions dans le CDO.

La banque américaine a vu son cours boursier chuter de près de 13% vendredi. Goldman Sachs vit désormais sous l'épée de Damoclès d'un procès à scandale et compte bien se défendre. Le PDG, Lloyd Blankfein, nie les faits. Il dément l'hypothèse d'asymétrie informationnelle en reconnaissant aux investisseurs des qualités d'agents sophistiqués parfaitement informés. Enfin, il précise que la participation de Paulson dans la constitution du portefeuille n'a rien d'atypique.

La boîte de Pandore
Aucune poursuite pénale n'est pour l'instant engagée contre Goldman Sachs. La SEC aurait-elle d'autres banques dans son collimateur ? Le régulateur des marchés financiers pourrait étendre son enquête. Goldman Sachs n'est peut-être pas la seule à avoir conçu des produits financiers qui permettaient à des clients stratégiques, comme les Hedge Funds, de parier sur l'effondrement des prix immobiliers.

Les investisseurs lésés comptent bien poursuivre en justice les banques incriminées, à l'instar de la banque allemande IKB. Celle-ci a perdu 150 millions de dollars suite à l'achat de tranches du CDO Abacus et a du, en 2008, être sauvée de la faillite par l'Etat.