L’action (-2,07% à 8,04 euros) oscille de part et d’autre de la ligne d’équilibre depuis la présentation ce matin d’un plan de refondation fondé sur le recentrage sur son coeur de métier et la réduction de sa présence à l’international et de son portefeuille immobilier. L'exploitant de maisons de retraite a également confirmé les grandes lignes de sa restructuration financière, qui sera massivement dilutive pour les actionnaires existants. Laurent Guillot, directeur général d'Orpea a fort à faire, avec une réputation en charpie et un mur de dette.

Le groupe est en outre exposé à un risque de manque de liquidité au cours du premier trimestre 2023.

Le titre Orpea perd plus de 90% de sa valeur depuis le 1er janvier et la publication du livre " Les fossoyeurs ", un ouvrage relatant de graves dysfonctionnements dans la prise en charge des résidents. La situation n'a ensuite été que de Charybde en Scylla pour la société.

" Orpea change ! Avec vous et pour vous", tel est le slogan du plan de la refondation présenté ce mardi 15 novembre par l'exploitant de maisons de retraite. L'ambition du groupe : redevenir l'acteur de référence du secteur en se recentrant sur la qualité des soins et de l'accompagnement et le développement des collaborateurs.

Et aussi changer les équilibres financiers en redressant la performance opérationnelle : il vise 9% de croissance annuelle du chiffre d'affaires d'ici 2025, soit 6,1 milliards de revenus à cet horizon, une marge d'Ebitda (Ebitda avant loyer) supérieure à 20% en 2025 contre 17% attendus en 2022 (après 25% en 2021), pour un Ebitda estimé à 745 millions d'euros (marge de 12,2%) en 2025. Ce dernier est attendu à 358 millions cette année après 682 millions d'euros en 2021.

Le groupe dispose par ailleurs d'un plan d'investissement d'un montant total de 2,5 milliards d'euros sur la période 2022-2025. Ce plan est présenté comme l'indispensable soutien de la vision stratégique pour reconstruire le groupe. 63% sera consacré à la rénovation et l'extension du parc existant et à la construction de nouveaux établissements.

"Quatre mois après mon arrivée, mon diagnostic est clair : Orpea s'est éloigné de son cœur de métier, en privilégiant un développement international et immobilier trop rapide, au prix d'un endettement excessif et d'une situation financière très fragilisée. Par ailleurs, le groupe a souffert de pratiques de gestion complètement dysfonctionnelles et de malversations de l'ancienne équipe de direction", a déclaré Laurent Guillot, directeur général d'Orpea.

Dans les pays où le groupe considère ne pas disposer de position suffisamment attractive, il considèrera ainsi des opérations de restructuration ou de sortie.

Géry Robert-Ambroix, le nouveau Directeur Immobilier du groupe aura pour principale mission de remettre l'immobilier à sa juste place : un métier de l'entreprise, au service des opérations. L'objectif à moyen terme est une détention d'actifs en propre limitée de 20 à 25% du portefeuille, contre 47% à fin 2021.

Orpea a ainsi identifié un portefeuille d'actifs immobiliers estimé à plus de 1 milliard d'euros, prêt à être cédé dès que les conditions de marché le permettront. A moyen terme, une foncière dédiée à Orpea, dont le groupe resterait l'actionnaire principal et l'opérateur, sera créée. Cette structure permettrait d'ouvrir le capital à des investisseurs de long-terme.

" Le développement immobilier futur du groupe se fera sur la base de critères très sélectifs, en privilégiant les marchés sur lesquels le groupe dispose d'une position de leader, en visant un taux de marge d'Ebitda pour l'exploitation à deux chiffres et une marge de promotion proche de 10% ", a précisé la société.

Une dette monumentale de 9,55 milliards

S'agissant de son processus de restructuration visant à " atteindre une structure financière soutenable ", l'exploitant de maisons de retraite a confirmé envisager plusieurs opérations. Orpea avait obtenu le 25 octobre l'ouverture d'une procédure de conciliation auprès du Président du Tribunal de commerce spécialisé de Nanterre.

Le groupe envisage une conversion en capital de la dette non garantie d'Orpea S.A., d'un montant de 3,8 milliards d'euros, au moyen d'une augmentation de capital offertes aux actionnaires existants et qui serait également garantie par des prêteurs non garantis.

L'autre volet consiste en 1,9 à 2,1 milliards d'euros d'apports de fonds nouveaux, sous la forme de nouvelles dettes garanties sur des actifs du groupe libres de toute sûreté, pour un montant cible de 600 millions d'euros, et d'une seconde augmentation de capital. L'émission de nouvelles dettes permettra de couvrir les besoins de financement d'Orpea jusqu'au début de l'été, a précisé la société.

Elle compte ainsi lever plus de 5 milliards de capital, à comparer avec une capitalisation de seulement 529 millions d'euros.

La réalisation des augmentations de capital est envisagée pour le mois de juin 2023.

" Le plan de restructuration financière devrait réduire significativement son ratio d'endettement, de 25 en 2022 à 6,5 d'ici 2025 ", souligne Invest Securities.

Le groupe s'attend à ce que, à l'issue de ces opérations, au moins 20% de son capital social soit détenu par des investisseurs institutionnels français à long terme.

Bien que le groupe n'ait pas conclu quant au mécanisme de mise en oeuvre du plan, cela pourrait comprendre, entre autres, une sauvegarde accélérée, afin de faciliter la clôture du processus dans l'hypothèse où l'unanimité ne pourrait être obtenue.

" Si la société n'était pas en mesure de trouver avec succès une solution dans le cadre de la conciliation, celle-ci ne serait pas en capacité de mettre en oeuvre son plan de transformation ", conclut Orpea.