WASHINGTON, 9 mai (Reuters) - Facebook s'est de nouveau retrouvé dans la tourmente jeudi avec un de ses trois cofondateurs qui a prôné un éclatement du groupe en trois entités, tandis que plusieurs élus ont demandé au département de la Justice d'ouvrir une enquête antitrust sur le réseau social.

Le groupe de Mark Zuckerberg fait l'objet de multiples enquêtes dans le monde entier au sujet de la protection des données de ses utilisateurs et des contenus haineux ou des fausses nouvelles qu'il peut véhiculer.

"Nous sommes une nation qui traditionnellement combat les monopoles, si bien intentionnés que puissent être les dirigeants de ces entreprises. Le pouvoir de Mark et sans précédent et non-américain", écrit Chris Hughes, ancien camarade de Zuckerberg à Harvard, dans une longue tribune publiée par le New York Times jeudi.

Facebook compte plus de deux milliards d'utilisateurs dans le monde. Le groupe possède aussi les applications WhatsApp, Messenger et Instagram, utilisées chacune par plus d'un milliard de personnes.

Dans sa tribune, Chris Hughes demande qu'Instagram et WhatsApp, acquises respectivement par Facebook en 2012 et 2014, soit séparées du groupe pour devenir des entités indépendantes, et il souhaite que l'accent soit mis sur la régulation d'internet.

Zuckerberg sera reçu vendredi à Paris par le président Emmanuel Macron pour discuter précisément des questions de réglementation et de modération des contenus haineux.

Facebook a sans surprise rejeté l'appel de Chris Hughes. "Facebook accepte l'idée que le succès entraîne des responsabilités. Mais on n'assure pas la transparence en appelant au démantèlement d'une entreprise américaine qui a réussi", a déclaré le porte-parole Nick Clegg dans un communiqué.

"La responsabilité des sociétés high tech ne peut être assurée que par l'établissement de nouvelles règles pour internet. C'est exactement ce qu'a demandé Mark Zuckerberg."

PRESSIONS DES ÉLUS

Interrogé par la chaîne CNBC, le sénateur démocrate Richard Blumenthal s'est également prononcé pour un démantèlement de Facebook et l'ouverture d'une enquête par la division antitrust du département de la Justice.

Ce cas de figure est rare puisque ce serait au gouvernement de porter l'affaire en justice et il lui faudrait gagner. Mais il y a eu des précédents, la compagnie pétrolière Standard Oil et l'ex-monopole des télécoms AT&T étant les deux exemples les plus connus.

Chris Hughes a cofondé Facebook en 2004 à Harvard avec Zuckerberg et Dustin Moskovitz. Il a quitté la société en 2007, non sans avoir empoché un demi-milliard de dollars en trois ans, d'après un post qu'il a laissé sur LinkedIn.

"Cela fait 15 ans que j'ai cofondé Facebook à Harvard et une décennie que je ne travaille plus pour le groupe. Mais j'éprouve un sentiment de colère et de responsabilité", écrit-il dans sa tribune parue jeudi.

"Le gouvernement doit tenir Mark pour responsable. Pendant trop longtemps, le législateur s'est pâmé devant la croissance exponentielle de Facebook et a négligé son devoir d'assurer la protection des Américains et la libre concurrence sur les marchés", affirme-t-il.

La sénatrice Elizabeth Warren, candidate à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de 2020, a salué sa prise de position après avoir promis en mars de démanteler Facebook mais aussi Amazon.com et Google (groupe Alphabet), si elle accède à la Maison blanche.

"Les grands groupes technologiques d'aujourd'hui ont trop de pouvoir sur notre économie, notre société et notre démocratie. Ils ont écrasé la concurrence, utilisé nos infos personnelles pour faire du profit, nui aux petites entreprises et étouffé l'innovation. Il est temps de #BreakUpBigTech", a-t-elle écrit sur Twitter jeudi.

Le représentant Ro Khanna, un démocrate de Californie, a dit pour sa part penser que les autorités de régulation "n'auraient pas dû approuver l'acquisition d'Instagram & de WhatsApp par Facebook en 2012."

En avril, Facebook a dit s'attendre à payer entre trois et cinq milliards de dollars pour clore l'enquête de la Commission fédérale du commerce (FTC) sur l'affaire Cambridge Analytica, du nom de la défunte société britannique qui a pu aspirer les données de 87 millions d'utilisateurs du réseau social à des fins électorales.

Chris Hughes a précisé avoir vu Marc Zuckerberg pour la dernière fois à l'été 2017, quelques mois avant que n'éclate le scandale Cambridge Analytica.

"Mark est une bonne personne, un gentil. Mais cela me met en colère que sa recherche de croissance l'ait conduit à sacrifier la sécurité et les droits individuels pour des clics", écrit-il dans le New York Times. "Je suis inquiet que Mark se soit entouré d'une équipe qui renforce ses convictions plutôt que de les contester." (Supantha Mukherjee à Bangalore, David Shepardson et Diane Bartz à Washington, Véronique Tison pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief)

Valeurs citées dans l'article : Amazon.com, Facebook, Alphabet