Si Barra parvient à céder Opel à PSA - sachant que des sources proches des négociations ont fait savoir mardi qu'il restait encore beaucoup de détails à régler - elle aura tenu sa promesse de faire en sorte que GM se transforme de lui-même, plutôt que d'attendre un choc provenant de forces extérieures.

La vente d'Opel signifie que GM ne cherche plus à être un acteur de premier plan sur tous les marchés et se concentre désormais sur sa capacité à dégager de la trésorerie et sur sa rentabilité, plutôt que sur le nombre de voitures vendues.

Certes, renoncer ainsi à certains marchés, surtout en Europe de l'Ouest, comporte des risques. Mais GM est confronté à la nécessité pressante d'inverser sa tendance à perdre du terrain sur ses principaux marchés. Et en même temps, la faible valorisation du groupe en Bourse pousse Mary Barra à prendre des mesures radicales.

Malgré le rebond de près de 5% mardi à la suite de l'annonce de discussions en cours avec PSA, l'action GM reste en-dessous du niveau de 41 dollars auquel elle se trouvait lorsque Mary Barra a pris les rênes du groupe il y a trois ans.

"Nous pensons que les investisseurs sont disposés à accepter des mesures plus radicales pour optimiser l'allocation de capitaux", écrit l'analyste de Morgan Stanley, Adam Jonas.

La cession de GM Europe n'a pas la dimension technologique à laquelle Barra fait généralement référence lorsqu'elle évoque une transformation du groupe. Mais il s'agit d'un changement d'orientation majeur de la stratégie de la société.

Les responsables de GM ont longtemps affirmé qu'Opel lui garantissait le savoir-faire pour développer, si nécessaire, les petites voitures sur les marchés américains et asiatiques. C'est l'une des raisons pour lesquelles GM a renoncé à son projet de cession de son activité européenne à Magna en 2009.

CHANGEMENT DE CULTURE

Mais les petites voitures perdent du terrain aux Etats-Unis, en Chine et ailleurs au profit des SUV, tandis que le durcissement des règles en matière de sécurité et d'émissions polluantes renchérissent le coût des véhicules européens, les rendant plus difficiles à vendre sur d'autres marchés, soulignent les analystes.

En outre, les relations de GM avec ses partenaires chinois ont évolué depuis 2009, ouvrant d'autres options que de vendre de petites voitures européennes. GM s'apprête ainsi à développer une gamme de voitures à bas prix pour l'Asie et l'Amérique latine avec son partenaire Shanghai Automotive Industry.

Bob Lutz, ancien vice-président de GM et responsable du développement de produits, a indiqué mardi que GM pourrait mettre au point un accord avec PSA qui n'empêcherait pas les partenariats et qui laisseraient la porte ouverte à l'exportation de certains modèles Cadillac et Chevrolet en Europe.

"Le produit de la vente (qui aurait un impact formidable sur le cours de Bourse) permettrait d'accélérer le développement des activités en Amérique du Nord et en Chine; une utilisation bien meilleure des ressources", a-t-il commenté dans un mail, ajoutant qu'il n'avait été en contact avec personne de GM.

Les analystes ont averti mardi que le prix de la cession pourrait être faible. Le prix définitif dépendra de la façon dont GM et PSA partageront - ou ne partageront pas - la propriété intellectuelle, les engagements de retraite, la dette et les coûts de restructuration, ont-ils précisé.

Même après sa faillite en 2009, GM s'accrochait pour figurer dans le peloton de tête des ventes mondiales, aux côtés de Toyota et Volkswagen.

La vente d'Opel signifierait que le groupe renonce à cette stratégie pour se positionner comme un acteur de moindre importance, concentré sur le marché des poids lourds aux Etats-Unis, la Chine et certains - mais pas tous - les marchés en forte croissance d'Amérique latine et d'Asie.

Sous la direction de Mary Barra, GM s'est déjà désengagé de la Russie et de l'Indonésie.

La directrice générale a placé le retour sur investissement, la capacité à dégager de la trésorerie et la rentabilité au coeur de la stratégie de GM. Or, ses performances sont faibles sur ces terrains bien que ses dépenses de restructuration aient atteint un milliard de dollars (948 millions d'euros) depuis 2012.

(Juliette Rouillon pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Joseph White

Valeurs citées dans l'article : Peugeot, General Motors Company
Valeurs citées dans l'article : Peugeot, General Motors Company