Depuis 1998, à Los Angeles, la Milken Global Conference réunit chaque année pendant trois jours tout ce que les Etats-Unis comptent d'économistes, de dirigeants et autres philanthropes fortunés. Ils évoquent l'état de l'économie, le contexte politique et les affaires internationales, à travers des ateliers agrémentés de discours. C'est à cette occasion que Michael Milken, dont la fortune est estimée en 2010 à 2 milliards de dollars, a détaillé cette recommandation.

Selon lui, il faut absolument tirer profit du boom des marchés obligataire et d'actions pour se désendetter. Actuellement, les taux d'intérêt sont tellement bas, aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe, que les actions ou obligations à haut rendement sont exceptionnellement intéressantes. Pas pour s'enrichir à bon compte, mais pour éponger les dettes liées aux excès des dernières années, marquées par l'explosion du crédit.

Pour celui qui connait le passé de Michael Milken, l'homme qui a inventé les junk bonds (obligations pourries), ce son de cloche peut surprendre. A l'époque, dans les années 70 à 80, il travaillait au sein de la banque d'affaires Drexel Burnham Lambert, qui a depuis fait faillite. Spécialiste des fusions-acquisitions, il s'est penché sur les faibles capacités d'endettement des petites et moyennes entreprises. Son pari était de leur donner accès au crédit, afin qu'elles puissent se développer.

Pour cela, les entreprises de taille modeste devaient émettre des obligations offrant des taux allant jusqu'à 20% de rendement pour les créanciers, contre de 5 à 8% pour les obligations des plus grandes firmes. Le marché des junk bonds connut rapidement un vif succès, et toutes les entreprises voulurent en tâter, même si les taux qu'elles devaient payer étaient trop élevés.

Bien vite pourtant, ces obligations à haut rendement furent utilisées pour lancer des OPA hostiles sur des sociétés aux résultats moyens. Le raider empruntait de l'argent grâce aux junk bonds, rachetait l'entreprise cible, la démantelait, et ne gardait que les actifs les plus intéressants.

C'était l'âge d'or des Carl Icahn ou T. Boone Pickens, même si ce sont les LBO financés par Milken qui restent dans les annales pour leur férocité. Dans les années 80, on disait de Milken qu'il était le grand organisateur du célèbre « bal des prédateurs ». Notre désormais philanthrope a d'ailleurs été condamné à 10 ans de prison en 1989, au bout d'une enquête pour délit d'initié qui aboutit sur sa mise en examen pour 98 chefs de fraude.

Même s'il ne passa que deux ans derrière les barreaux, ce souvenir l'a peut-être changé. Aujourd'hui, il est en effet devenu le chantre du désendettement à marche forcée, même si sa philanthropie consiste aussi à trouver des financements pour les pays pauvres, via des mécanismes qui se rapprochent de ses junk bonds...