Altice Europe recule actuellement de plus de 2% à la bourse d'Amsterdam, à 4,45 euros l'action, après l'opposition de Lucerne Capital au rachat du groupe de télécoms par Patrick Drahi. Dans une lettre de 12 pages datée d'hier, la société d'investissement, qui détient des parts minoritaires du capital d'Altice, explique que la structure de l'offre est illégale au regard du droit néerlandais et viole les droits des actionnaires minoritaires. Lucerne souligne aussi des incidents de gouvernance d'entreprise flagrants qui ont entraîné des transferts massifs de richesse d'Altice vers Patrick Drahi.

"La grande majorité des actionnaires minoritaires d'Altice Europe estiment que l'offre publique n'est rien d'autre qu'une tentative illicite de M. Drahi d'exploiter la pandémie de Covid-19 pour se transférer une fois de plus une valeur massive à lui-même, au détriment des actionnaires minoritaires", affirme Lucerne Capital dans sa lettre.

La firme du Connecticut ajoute que "l'offre est conçue de telle sorte que les actionnaires minoritaires sont contraints de vendre leurs actions à un prix prédéterminé par M. Drahi, indépendamment de leur volonté d'accepter volontairement le prix de l'offre. Comme elle est structurée de manière pré-câblée, et comme M. Drahi a déjà la majorité requise pour voter lui-même les mesures de restructuration pré-câblées, M. Drahi espère apparemment écarter rapidement les minorités tout en évitant toute forme de contrôle du prix par les tribunaux."

Lucerne met également en cause le comportement de certains membres 'indépendants" du conseil d'administration, qui auraient permis à Messieurs Drahi et Weill "d'extorquer des centaines de millions d'euros à la société par le biais de transactions entre parties liées et d'autres stratagèmes". La société d'investissement a ainsi de sérieux doutes sur le jugement de ces membres "indépendants" concernant "des transactions entre parties liées impliquant M. Drahi". 

Enfin, Lucerne a menacé de demander à l'Enterprise Chamber (une chambre spéciale de la Cour d'Appel d'Amsterdam qui a une compétence exclusive dans un certain nombre de procédures d'entreprise) d'ordonner une enquête sur la marche des affaires et la gestion d'Altice Europe, et de demander des mesures immédiates pour empêcher que la restructuration ne soit soumise au vote de l'AGE du 7 janvier 2021.

Pour rappel, début septembre, Altice Europe dévoilait le plan de Patrick Drahi, son président et fondateur, pour racheter 100% des actions ordinaires de classe A et B restantes du groupe via sa holding Next Private BV, et ainsi le retirer de la cote. L'offre porte sur un prix de 4,11 euros par action pour un total d'environ 2,5 milliards d'euros, valorisant Altice à 4,9 milliards d'euros.