Albert Frère, qui a commencé sa carrière en tant que marchand de clous autour de la ville wallonne de Charleroi (Hainaut) après la Deuxième Guerre mondiale avant de devenir l'homme le plus riche de Belgique, est apparu sur le devant de la scène financière au début des années 1980, notamment à la faveur de la vague de nationalisations alors décidée par le pouvoir socialiste en France.

Après avoir pris le contrôle de GBL en 1982, avec l'aide de l'homme d'affaires canadien Paul Desmarais, décédé en 2013, Albert Frère a activement participé à la consolidation de plusieurs secteurs européens. Typiquement, sa méthode consistait, lors d'une opération de fusion & acquisition, à échanger une part importante dans une entreprise de taille moyenne, généralement belge, contre une participation plus petite dans une société plus grosse.

Il a procédé ainsi lors de la reprise, dans les années 1990, de PetroFina - alors détenue à 25% par GBL - par Total, entrant à cette occasion à hauteur de 8% au capital du géant pétrolier français. Aujourd'hui, cette part est revenue à 0,61% selon le site de GBL.

Albert Frère a agi de la manière lors de la vente de Tractebel à Suez (aujourd'hui Engie) ou encore lors de la cession de RTL à Bertelsmann. Il a également joué un rôle de premier plan lors du rapprochement entre Lafarge et Holcim. GBL détient 9,43% de LafargeHolcim, ce qui en fait le deuxième actionnaire du numéro un mondial du ciment.

DES "EXCENTRIQUES"

Lors de la vague de nationalisations décidée par François Mitterrand en 1981, il a, avec l'aide de Paul Desmarais, tenté de faire sortir du périmètre de Paribas, passé dans le giron public, la filiale suisse de la banque française.

C'est à cette époque que remonte la collaboration entre le Belge et le Canadien, qui sera scellée via la holding suisse Pargesa, établissement basé à Genève détenu conjointement par les familles Desmarais et Frère et actionnaire de contrôle de GBL depuis 1982.

Lors d'un rare entretien accordé à la presse en 2010, Albert Frère, en référence au duo formé avec Paul Desmarais, avait déclaré: "J'imagine que les Français doivent se demander: qui sont ces excentriques?".

Albert Frère a quitté ses postes d'administrateur de GBL et de Pargesa en 2015, laissant GBL aux mains de son gendre Ian Gallienne. Vers 10h30 GMT, le titre GBL, une composante de l'indice Bel-20 de la Bourse de Bruxelles, prenait 2,84% à 81,76 euros, dans un contexte de remontée collective des marchés actions européens, soulagés par l'apaisement des tensions commerciales sino-américaines.

GBL "a la tristesse d'annoncer qu'Albert Frère, président d'honneur et actionnaire de contrôle conjoint de la société, s'est éteint ce jour à l'âge de 92 ans", déclare le groupe dans un communiqué.

GBL est également présent au capital de Pernod Ricard, Imerys ou encore Adidas.

Albert Frère, fait baron par le roi Albert II en 1994, a pris 50% du grand cru Château Cheval Blanc (Saint-Emilion) en 1998 aux côtés de Bernard Arnault, PDG de LVMH.

L'homme d'affaires, qui a entretenu des relations amicales avec les présidents français Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, a habité toute sa vie près de Charleroi, au coeur des vestiges des industries charbonnières et sidérurgiques en Wallonie.

(Bertrand Boucey et Benoît Van Overstraeten pour le service français)

par Alastair Macdonald