Josh Nathan-Kazis,

Barron's

NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Il y a tout juste deux ans, les vaccins constituaient un segment endormi de l'industrie pharmaceutique, dominé par quelques acteurs, dont le groupe français Sanofi. La course au vaccin contre le Covid-19 a changé la donne, transformant Moderna et BioNTech en géants de la biotechnologie et suscitant l'intérêt des investisseurs pour de petits fabricants de vaccins comme Novavax, CureVac ou Valneva, entre autres.

Dans une interview réalisée la semaine dernière à l'occasion de la conférence annuelle de JPMorgan sur la santé, Paul Hudson, le directeur général de Sanofi, a estimé que le groupe l'emporterait lors des prochaines batailles sur les vaccins, une fois la poussière de la pandémie retombée. "Nous nous attendons à sortir vainqueur", a-t-il déclaré.

Selon Paul Hudson, une fois la phase aiguë de la pandémie de Covid-19 terminée, les circonstances qui ont permis aux nouveaux venus de percer sur le marché des vaccins disparaîtront. La taille, l'expérience et l'expertise logistique de Sanofi l'emporteront alors. "Nous aurons la machine internationale qui sait faire", a souligné le dirigeant.

Sanofi a réalisé un chiffre d'affaires de 7,2 milliards de dollars dans les vaccins en 2020, ce qui représente environ 17% de ses ventes totales cette année-là et en fait l'un des plus grands fabricants de vaccins avant l'arrivée des nouveaux venus de l'ère Covid. Une position parmi les leaders du secteur dont les avantages se feront sentir à nouveau lorsque la pandémie s'atténuera, selon Paul Hudson.

"Lorsque votre portefeuille de médicaments est distribué dans le monde entier, vos interlocuteurs ont des attentes en termes de données sur les résultats cliniques, d'élaboration et d'adoption de directives de traitement, de négociation avec les organismes payeurs", explique le directeur général de Sanofi. "Vous n'avez pas besoin d'une grande infrastructure si vous négociez dans le cadre d'une pandémie, où tout le monde vous appelle pour passer commande. Mais dans un monde concurrentiel, lorsque votre marché représente plus de 100 pays, vous avez besoin d'experts sur le terrain pour assurer la pharmacovigilance [surveillance des effets indésirables] et la réglementation locale. Beaucoup de choses qui n'étaient pas indispensables en temps de pandémie deviennent alors absolument nécessaires."

Le marché du rappel vaccinal anti-Covid devrait chuter après 2024

Sanofi a raté le marché de la primovaccination contre le Covid-19. En partenariat avec le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), le groupe a misé sur un candidat vaccin à base de protéine recombinante, une approche plus traditionnelle que les vaccins à ARN messager (ARNm) développés par Pfizer et Moderna, ou que les vaccins à vecteur viral de Johnson & Johnson et AstraZeneca.

Le vaccin de Sanofi et Glaxo a donné des résultats initiaux décevants. Il est toujours en cours de développement en vue d'être utilisé en rappel, mais Paul Hudson ne le considère pas comme une opportunité commerciale majeure pour l'entreprise. "Nous ne nous attendons pas à gagner un centime", indique Paul Hudson. "Nous espérons simplement être là s'il y a un besoin.", ajoute-t-il.

Alors que Moderna et Pfizer déploient les troisièmes doses de leurs vaccins anti-Covid dans les pays développés, et commencent à discuter de la possibilité d'une quatrième dose, le directeur général de Sanofi ne pense pas qu'un marché de rappel significatif pour le Covid-19 durera au-delà de 2024.

Selon lui, il pourrait y avoir jusqu'à trois séries de rappels au cours des deux prochaines années, en fonction de la prévalence du virus et de la durabilité des vaccins actuels. Après cela, il prévoit que le marché du vaccin contre le Covid-19 devrait diminuer et devenir comparable à celui du vaccin contre la grippe.

"Le marché des rappels à partir de 2024 ne constituera pas une énorme opportunité", estime Paul Hudson. "Le besoin diminuera de manière assez significative d'ici 2024", ajoute le dirigeant.

Les questions à plus long terme sont de savoir si les nouvelles technologies, notamment l'ARN messager, bouleverseront le marché des vaccins. Sanofi, comme Moderna, Pfizer et d'autres entreprises, développe un vaccin à ARNm contre la grippe. Selon lui, l'approbation d'un tel vaccin constituera un obstacle réglementaire bien plus important pour tous les acteurs que l'autorisation des vaccins contre le Covid-19.

"En cas de pandémie, l'autorité de réglementation vous donne une certaine souplesse", indique Paul Hudson. "En dehors du contexte pandémique, ils ne vous donnent aucune flexibilité."

Selon lui, l'acquisition de la biotech Translate Bio, spécialisée dans l'ARNm, en septembre pour 3,2 milliards de dollars permettra à Sanofi de lancer un vaccin antigrippal à ARNm aussi rapidement que n'importe quel concurrent. D'une manière ou d'une autre, indique-t-il, Sanofi sortira vainqueur.

"Nous connaissons toujours ce marché et ces maladies mieux que quiconque", affirme Paul Hudson. "Soit nous gagnons avec le vaccin que nous avons actuellement, soit nous gagnerons avec l'ARNm".

-Josh Nathan-Kazis, Barron's

(Version française François Berthon) ed: VLV

Barron's est l'hebdomadaire de référence financier et patrimonial du groupe Dow Jones.

Agefi-Dow Jones The financial newswire

(END) Dow Jones Newswires

January 17, 2022 06:23 ET (11:23 GMT)