Selon les derniers chiffres disponibles, les Laboratoires Pierre Fabre, entièrement détenus par la famille du fondateur, emploient plus de 9.000 personnes pour un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros. Le groupe, qui utilise nombre de plantes dans ses médicaments - Klorane est une fondation d'entreprise de Pierre Fabre -, a progressivement investi un domaine connexe à son activité de base.

D'une diversification locale...

Mais ce n'était pas encore assez. Cédant à une tendance qui avait frappé avant lui les Dassault, Lagardère, Pinault et autres Arnault, Pierre Fabre se décide à mettre un peu de médias dans son empire industriel. Enraciné dans son département d'origine, d'où le siège social du groupe n'est jamais parti, il monte en 1998 un holding personnel appelé Sud Communication. A sa tête, le président-directeur général délégué des Laboratoires Pierre Fabre, Pierre-Yves Révol. Autant dire un fidèle du numéro un du groupe, Pierre Fabre en personne.

Sud Communication commence à accumuler des médias basés alentours et dans le Massif central : le quotidien L'Eveil de Haute-Loire, quelques hebdomadaires locaux comme La Gazette de la Loire, Tarn Infos, La Ruche, le Réveil du Vivarais, et la Gazette des Verts – oui, les « Verts » du football club de Saint-Etienne, dont Pierre Fabre détient par ailleurs 10% du club en question.

Dans ce bric-à-brac médiatico-local, on trouve aussi 15% du capital du groupe le Midi Libre, et 6% et de la Dépêche du Midi, présidé par l'indéboulonnable Jean-Michel Baylet. Il donnera un temps dans la radio, avec Sud Radio – achetée en 1988 – et Wit Radio, avant de revendre ces groupes en 2005, et dans la chaîne locale Télé Toulouse.

En 2001, Sud Communication rachète... l'agence photographique parisienne Sipa. Puis les librairies Privat, qui se revendiquent « premier réseau de libraires indépendants », et les Editions du Rocher / Le Serpent à Plume...

... vers un média national : Valeurs actuelles

Ces dernières acquisitions annoncent la fin des ambitions locales de Pierre Fabre, et son orientation vers la presse politique. La preuve : en janvier 2006, il acquiert les deux tiers du capital du groupe Valmonde à Dassault Communication. Les Dassault, qui ont pris la succession de Robert hersant en rachetant le Figaro et en le rapproche du Journal des Finances, ne tiennent apparemment à conserver deux des titres de Valmonde : l'hebdomadaire Valeurs actuelles, le mensuel Le Spectacle du Monde, dont les ventes baissent, et le trimestriel Jours de chasse.

Pour Pierre Fabre, c'est une sorte de retour aux sources : Valeurs actuelles avait été fondé à la fin des années 60 par le journaliste financier Raymond Bourgine, qui aurait été un ami de Pierre Fabre. Dès l'époque et jusqu'à aujourd'hui, ce sont des parutions très marquées à droite. Idem pour Spectacle du Monde. C'est le fidèle Pierre-Yves Revol qui prend les rênes de Valmonde.

Selon les termes de l'accord conclu en janvier 2006, au bout de dix-huit mois, le solde du capital de Valmonde devait revenir à Sud Communication. Selon Presse News (11/12), c'est maintenant chose faite : voilà Pierre Fabre, à 82 ans, à la tête d'un journal infiniment plus politique que ses parutions locales.

Avec des défis à relever : pour Valeurs actuelles, la diffusion payée peine à dépasser les 80.000 exemplaires en 2006, alors qu'elle dépassait les 90.000 au début de la décennie. Idem pour le Spectacle du Monde, passé de 36.000 exemplaires en 2003 à 28.000 en 2006 (sources : OJD). Sans compter Jours de chasse, dont la diffusion n'est pas mesurée par l'OJD.

Gageons qu'une décoction de « petit houx » ne suffira pas à guérir Valmonde...