L'équipementier finlandais de télécommunications Nokia (>> Nokia Oyj) a ouvert mercredi son offre publique d'échange (OPE) aux actionnaires d'Alcatel-Lucent (>> Alcatel Lucent) à Paris et New York.

Annoncé en avril dernier, le rapprochement entre Nokia et Alcatel-Lucent doit permettre aux deux plus petits acteurs européens des réseaux de rivaliser au niveau mondial avec le suédois Ericsson (ERIC-B.SK) et le chinois Huawei Technologies (>> Huawei Technology Co Ltd). La finalisation de l'opération est attendue au cours du premier semestre 2016.

Ericsson a de son côté annoncé au début du mois un vaste partenariat technologique et commercial avec l'américain Cisco Systems (>> Cisco Systems, Inc.) qui, sans aller jusqu'à la fusion, vise un niveau inhabituel de coopération dans tous les domaines, de la recherche et développement aux services clients.

Cette annonce de partenariat entre Ericsson et Cisco prouve que la décision de Nokia est la bonne, a expliqué Rajeev Suri, directeur général du groupe finlandais, lors d'un entretien accordé au Wall Street Journal.

"Cette annonce accrédite notre stratégie", a-t-il souligné.

Comme son concurrent suédois, Nokia est poussé à diversifier ses sources de revenus, en ne s'appuyant plus seulement sur sa clientèle de grands opérateurs de télécommunications mais en se tournant vers de grandes entreprises d'autres secteurs, comme les compagnies aériennes, les compagnies pétrolières ou les constructeurs automobiles, ainsi que les services de police et les services d'urgence.

Après les cessions, la quête de nouveaux marchés

Après avoir renoncé à la course aux smartphones, Nokia a passé plusieurs années à réduire ses coûts et à céder des actifs, dont son activité de téléphonie mobile, pour se spécialiser dans les réseaux mobiles.

Le groupe s'efforce maintenant d'élargir à nouveau son portefeuille avec les produits d'Alcatel-Lucent, comme les routeurs et les commutateurs utilisés pour créer des réseaux.

Rajeev Suri, qui a pris les rênes du géant finlandais après la vente de l'activité de téléphonie à Microsoft (>> Microsoft Corporation) en 2014, a rappelé que le "tout mobile" adopté par Nokia était une stratégie temporaire destinée à redresser un groupe freiné par de nombreuses activités non compétitives.

L'OPE de Nokia sur Alcatel-Lucent a été approuvée par les autorités de la concurrence. Si suffisamment d'actionnaires d'Alcatel-Lucent apportent leurs titres à l'offre, celle-ci n'aura plus qu'à recevoir le feu vert des actionnaires de Nokia, ce qui ne devrait pas poser problème.

Ces opérations entre Nokia, Alcatel-Lucent, Ericsson et Cisco interviennent alors que ces acteurs ainsi que d'autres fournisseurs de réseaux peinent à préserver leur pertinence stratégique dans un monde marqué par la convergence des réseaux de téléphonie fixe, des réseaux mobiles et des réseaux câblés, et par la consolidation des opérateurs de télécommunications.

"Ce marché converge rapidement, beaucoup plus rapidement qu'on pourrait le penser, et pour pouvoir servir des opérateurs de plus en plus unifiés, il faut se doter d'un portefeuille de bout en bout", a expliqué Rajeev Suri.

Un "timing" décisif pour le succès de la fusion

Les précédentes fusions qui ont eu lieu dans le secteur des réseaux ont échoué, y compris la fusion qui a donné naissance à Alcatel-Lucent en 2006 et la coentreprise Nokia Siemens Networks, créée par Nokia et Siemens (>> Siemens AG) en 2007. Ces échecs sont dus, selon Rajeev Suri, à un mauvais timing.

"Lorsque ces opérations ont été décidées, les feuilles de route [pour la 4G, dernière génération de réseau mobile] existaient déjà - elles sont arrivées trop tard", a souligné le dirigeant. En revanche, les grandes opérations annoncées cette année arrivent à point nommé, estime Rajeev Suri, puisqu'une grande partie des investissements pour la prochaine génération de réseaux, la 5G, seront débloqués l'an prochain.

La 5G devrait propulser l'Internet des objets et héberger d'autres services que la 4G ne pouvait pas supporter.

"Nous serons en mesure de proposer une offre unifiée 5G, ce qui nous permettra d'éviter de devoir construire chacun notre propre réseau 5G puis de devoir les aligner si nous nous rapprochions dans les deux ans", a expliqué Rajeev Suri, se référant à Nokia et Alcatel-Lucent. "Nous avons une petite longueur d'avance".

-Jens Hansegard, The Wall Street Journal (Version française Emilie Palvadeau) ed: ECH