L'objectif d'atteindre 10% d'actionnariat salarié au sein du capital d'Orange en 2020 semble compromis, estime l'Association des actionnaires salariés du groupe Orange (AASGO). Celle-ci, main dans la main avec la Fédération française de l'actionnariat salarié (FAS), dénonce aujourd'hui une ordonnance promulguée le 20 août dernier qui, selon elle, vide de son contenu la loi du 6 août 1986 sur les privatisations.

Lorsque l'Etat cédait une de ses participations via les marchés financiers, cette loi l'obligeait jusqu'à présent à proposer en sus l'équivalent de 10% des titres de cette cession aux salariés du groupe concerné. Mais, selon l'AASGO, le ministère de l'Economie a passé « sous les radars », sans en informer l'Elysée, Matignon ou les autres ministères, la fameuse ordonnance mettant fin à cette pratique.

« Certes, Bpifrance n'est qu'un outil indirect de l'Etat et n'aurait donc, quoi qu'il en soit, pas été soumis à cette obligation », concède Thierry Feurgard, président de l'AASGO, évoquant la cession en bourse, le 1er octobre dernier, de 1,9% du capital d'Orange par la Banque publique d'investissement. « Mais l'engagement du président d'Orange, Stéphane Richard, pris par ce dernier dans une interview à la presse ces derniers mois et réitérée plus récemment devant l'Association des cadres supérieurs et dirigeant (ACSED) du groupe, est mis en péril ».

Or, l'actionnariat salarié qui concerne 4 millions de travailleurs en France est un « gage d'efficacité dans l'entreprise, une garantie de paix sociale, un progrès et un élément de cohésion économique », rappelle Thierry Feurgard en paraphrasant les termes de l'Etat. Il a permis aux salariés d'accéder, souvent grâce à une décote sur le titre consentie par l'Etat, à des participations non négligeables. Il s'élève aujourd'hui à 5% chez Orange. Mais il apporte aussi une stabilité précieuse : actuellement, l'Etat détient toujours environ 25% du capital de l'opérateur, via la Bpi (11,6%) et l'Agence des participations de l'Etat (13,45%). Avec les salariés d'Orange, cela représente un socle d'actionnariat stable de 30%, amplement suffisant pour contrer un éventuel raid hostile d'un groupe étranger ou d'un investisseur déterminé.

Mais si l'Etat choisit de céder à terme ces 25% sans offrir aux salariés l'opportunité d'en récupérer une partie, le risque d'une perte de contrôle sur la stratégie de l'ex-France Telecom est grand aux yeux de l'AASGO et de la FAS.

C'est pourquoi elles comptent demander à Emmanuel Macron, nouveau ministre de l'Economie, de remettre en cause cette ordonnance 2014-948 du 20 août 2014, et au gouvernement de plancher sur une loi réinstaurant clairement l'obligation de l'Etat. « Les contraintes budgétaires étant très fortes en temps de crise, la décote habituellement pratiquée sur le prix de vente des actions aux salariés pourrait par exemple être prise en charge non plus par l'Etat mais par l'entreprise elle-même », suggère le président de l'AASGO.

Les associations proposent en outre que le groupe Orange fasse lui-même des offres réservées à ses collaborateurs. Pour Thierry Feurgard, l'acquisition de l'opérateur espagnol Jazztel pour 3,4 milliards d'euros, annoncée le 15 septembre dernier par Orange, pourrait être l'occasion de mettre à contribution les salariés lors de l'augmentation de capital de 2 milliards d'euros prévue pour la financer.

« Quoi qu'il en soit, nous serons bien vigilants à ce que l'engagement de Stéphane Richard soit respecté », a conclu Thierry Feurgard à l'attention de l'AOF.

(E.B)