Dans la bataille que se livrent ces deux géants de la technologie numérique, cette victoire de la firme américaine contre son homologue sud-coréenne pourrait entraîner une interdiction pure et simple des ventes de certains produits phares de Samsung aux Etats-Unis et, par conséquent, consolider la domination d'Apple sur le marché des téléphones portables et des tablettes, en pleine expansion dans le monde.

Apple a d'ailleurs rapidement annoncé qu'elle allait maintenant déposer d'ici sept jours une demande pour obtenir une telle interdiction. Une audience a été fixée au 20 septembre.

Cette décision du tribunal fédéral de San Jose, situé à quelques kilomètres seulement de Cupertino, siège historique d'Apple en Californie, pourrait aussi avoir des retombées sur Google. Apple pourrait en effet désormais attaquer d'autres concurrents vendant des téléphones utilisant Android, le système d'exploitation de Google.

Pour Samsung, ce jugement ne met pas fin au litige mais il constitue déjà "une perte pour le consommateur américain" car il va brider l'innovation et entraîner une hausse des prix.

"Il ne s'agit pas du dernier mot dans cette affaire ni dans les batailles en cours devant les tribunaux à travers le monde, dont certains ont déjà rejeté de nombreuses plaintes d'Apple", a réagi Samsung.

Des milliards de dollars de chiffre d'affaires sont en jeu et l'action Apple, qui est devenue cette semaine la plus grosse capitalisation de l'histoire boursière, a grimpé de près de deux pour cent pour atteindre le niveau record de 675 dollars après le jugement du tribunal de San Jose.

Après quasiment quatre semaines de procès, les neuf membres du jury californien ne semblent guère avoir hésité avant de conclure que Samsung avait copié l'iPhone et l'iPad pour concevoir ses propres produits. Il leur a fallu moins de trois jours pour décider que sur les sept plaintes d'Apple pour violation de brevets, six étaient justifiées.

SUPRÉMATIE

La victoire est totale pour la société cofondée par Steve Jobs, moins d'un an après la mort de ce dernier, puisque le tribunal de San Jose a en revanche repoussé toutes les accusations de Samsung contre Apple.

"C'est le meilleur scenario dont pouvait rêver Apple", a commenté Brian Love, professeur de droit à Santa Clara.

Le jury a en outre décidé que Samsung avait sciemment violé les brevets d'Apple, ce qui pourrait conduire le tribunal à tripler l'amende infligée à la société sud-coréenne.

L'enjeu du conflit qui oppose les deux groupes au sujet de multiples brevets est en fait la suprématie sur le marché mondial des smartphones, dont ils détiennent ensemble plus de 50%, avec en toile de fond la lutte d'Apple contre Android.

Avant son décès en octobre 2011, Steve Jobs avait déclaré à son biographe vouloir mener une guerre "thermonucléaire" contre Android.

Si Apple a été pionnier sur le segment des smartphones, Samsung en est aujourd'hui le numéro un. Depuis que la société américaine a lancé les hostilités sur le terrain juridique l'an dernier, les deux groupes ont multiplié les plaintes dans plusieurs pays, mais la décision du tribunal de San Jose était la plus attendue.

Un peu plus tôt vendredi, un tribunal sud-coréen a renvoyé les deux sociétés dos à dos, ordonnant à Samsung de cesser la vente de 10 produits dont le téléphone Galaxy S II et interdisant à Apple de vendre quatre produits, dont son iPhone 4.

Apple et Samsung ne sont pourtant pas seulement des concurrentes. Leurs relations commerciales dépassent cinq milliards de dollars car la société américaine est la première cliente de la sud-coréenne pour les microprocesseurs et d'autres éléments essentiels au fonctionnement de ses appareils.

Avec Poornima Gupta et Edwin Chan, Marc Angrand et Bertrand Boucey pour le service français

par Gerry Shih et Dan Levine