Aujourd’hui, des millions d’Américains jouent au poker en ligne. Et pourtant l’hypocrisie du système fait qu’il est illégal de posséder ou d’exploiter un site à l’intérieur des Etats-Unis : les plus grandes entreprises sont donc toutes basées off-shore. PokerStars, par exemple, est basée à l’île de Man en pleine mer d’Irlande ! Jusqu’à présent, la plupart des grands groupes de casinos en dur, soucieux de protéger le statu quo, étaient loin d’afficher leur soutien à la légalisation, craignant une concurrence accrue des sites et donc une baisse de la fréquentation de leurs établissements.

Vers la création d’une joint-venture : PokerStarsWynn.com
Le propriétaire du Bellagio et du Mirage, en annonçant la mise en place d’une relation stratégique avec PokerStars, jette donc un pavé dans la marre. Le moins que l’on puisse dire c’est que notre baron, sentant le vent tourner, prépare ses arrières : « En tant qu’entreprise gèrant depuis plus de 40 ans des jeux aux Etats-Unis en toute sécurité, nous pensons que la même chose peut être faite pour le poker sur internet. […] L’absence de réglementation des jeux sur Internet aux États-Unis doit changer. »

De son côté, PokerStars affirme que ce partenariat va permettre « aux deux groupes de militer plus efficacement en faveur de la prochaine loi sur le jeu en ligne ». Vous l’aurez compris, cette alliance, si elle se met en place, fera le bonheur des deux parties. PokerStars sécurise sa présence sur le marché américain et Steve Wynn, en attachant son nom et sa crédibilité à PokerStars, assure une liaison avec la marque de poker en ligne leader. Car si jamais les projets de loi légalisant le poker en ligne venaient à être adoptés, il serait astucieux pour Steve Wynn d’avoir un allié de choix dans ce secteur.

Et personne ne s’y trompe. « Avec cet accord et en cas d’adoption d’une loi légalisant le poker en ligne, PokerStars deviendra un des acteurs les plus influents de Las Vegas, tandis que Wynn, associé au plus grand opérateur de poker en ligne, bénéficiera d’une technologie de pointe et d’une immense base de données de joueurs », a déclaré Ed Birkin, analyste chez Barclays Capital, dans une note de recherche publiée par le Financial Times.

Le Nevada, premier Etat légalisateur ?
Et il est vrai que la polémique autour de la réglementation du poker en ligne aux Etats-Unis est des plus brûlantes ces derniers mois. De Nombreux Etats tentent de se faufiler en faisant accepter des projets de loi réglementant le poker en ligne. L’Etat du Nevada, qui semble avancer plus rapidement que ses voisins vers un futur marché intra-étatique, a présenté un projet de loi au début du mois demandant aux autorités de créer des règles pour les opérateurs de poker en ligne et pour les entreprises faisant de l’équipement connexe.

Jusqu’à présent, la réponse des autorités a toujours était négative. Le motif évoqué par la Nevada Gaming Commission ? Certains opérateurs - comme PokerStars et Full Tilt Poker – exploitent des sites en offshore, dominent le marché américain, bâtissent des model-business extrêmement rentables et tout ceci dans l’ombre de la loi fédérale promulguée en 2006, l’Unlawful Internet Gambling Enforcement Act, (UIGEA) interdisant le jeu en ligne. Et il est vrai que PokerStars a toujours fait preuve de bienveillance à l’égard des joueurs américains fréquentant ses tables.

Oui mais voilà, les choses semblent changer et une réévaluation du jeu en ligne aux Etats-Unis par les régulateurs est de plus en plus probable, au moins sur une base État par État. A titre d’exemple, le groupe de jeux de hasard et d’argent, 888, a fait un bond de plus de 10% à la Bourse de Londres vendredi, après avoir reçu l’autorisation des organismes de réglementation du Nevada pour son projet d’entreprise avec le groupe américain Caesars Entertainment Interactive.

Légaliser le poker sur internet ou comment combler des déficits records
La Californie, l’Iowa, la Floride ou encore le New Jersey envisagent aussi la légalisation. Et malgré le véto opposé par le gouverneur républicain du New Jersey, Chris Christie, un vent nouveau de légalisation semble bel et bien souffler au dessus des Etats-Unis. Le sénateur du Nevada, le démocrate Harry Reid, avait déjà tenté d’établir des règlements fédéraux sur l’industrie du jeu, en vain.

Pour PokerStars, géré par Isai Scheinberg, un ancien programmeur IBM, et son fils Mark Scheinberg, la régulation du jeu en ligne ne possède que des avantages. Et des avantages économiques et financiers s’il vous plait ! Alors forcément, certains gouverneurs américains, face à des déficits publics records, ne sont pas insensibles à de tels arguments. La légalisation du poker en ligne permettrait de générer des recettes fiscales indispensables et de dynamiser le niveau d’emploi. Factures à l’appui, l’économiste Jeremy Aguero estime en effet que l’Etat du Nevada pourrait recueillir entre 2 millions et 3,4 millions de dollars en taxes chaque année si le poker en ligne était légalisé.

Pour l’opérateur leader, « La régulation permet de protéger les consommateurs, de fournir des revenus grâce à la fiscalité et de créer des emplois. PokerStars opère sur des marchés régulés dans de nombreux pays européens et soutient depuis des années la même démarche aux Etats-Unis ». En attendant de voir l'avancée du dossier, il semble opportun de garder un œil sur les valeurs liées à l'industrie du jeu en ligne.

Pauline Raud