Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le harcèlement sexuel dans le monde de l'entreprise commence à préoccuper sérieusement les investisseurs, au même titre que les problématiques de gouvernance et de protection de l'environnement. Depuis l'éclatement de l'affaire Weinstein, au début octobre, un nombre croissant de dirigeants d'entreprises aux Etats-Unis font l'objet d'accusations d'agressions sexuelles.

Mardi dernier, Paul Marciano, cofondateur de Guess (>> fiche valeur) et accusé par l'actrice et mannequin Kate Upton de harcèlement, a décidé de mettre un terme à ses fonctions au sein du fabricant de prêt-à-porter, le temps de l'enquête. Le lendemain, le constructeur automobile Ford (F) limogeait le directeur de ses activités en Amérique du Nord, Raj Nair, pour "comportement inapproprié, contraire au code de conduite de l'entreprise."

Des risques pour la productivité, les ventes et la réputation

Une semaine plus tôt, la société de gestion de fortune Cornerstone Capital avait diffusé une tribune intitulée "Les violences basées sur le sexe et le genre, un risque d'investissement émergent", afin de sensibiliser les investisseurs à ce sujet. Le mouvement #MeToo lancé sur les réseaux sociaux et le fonds de soutien aux victimes Time's Up, nés à la suite du scandale Weinstein pour inciter les femmes à dénoncer le harcèlement sexuel, "augmentent la possibilité de voir ce type de comportements se transformer en un risque financier important pour les entreprises", écrit Cornerstone Capital.

D'après la société de gestion d'actifs, au-delà du caractère moral, les faits de violence sexuelle représentent une triple menace pour les entreprises. La productivité de leurs collaborateurs risque de s'en ressentir, les sociétés sont susceptibles d'être boycottées par les consommateurs et de voir plus largement leur réputation ternie auprès de leurs différentes parties prenantes.

Cornerstone Capital estime donc qu'il est du devoir des investisseurs d'exiger des entreprises davantage de transparence au sujet des actes de harcèlement sexuel, et de les tenir pour responsables de l'évolution de ce type d'agissements.

Un retentissement sur les cours de Bourse

L'enjeu est de taille, à en juger par le retentissement que les récentes affaires ont déjà eu sur le cours de Bourse et la stratégie future des entreprises incriminées. Weinstein Company en est l'illustration la plus emblématique. Le 11 février, le procureur général de New York a poursuivi le producteur de cinéma Harvey Weinstein et sa société éponyme, pour des faits de harcèlement sexuel et de mauvaise conduite perpétrés sur plusieurs années. Cela risque de peser sur les négociations en cours pour la vente du groupe.

Ce mois-ci toujours, Steve Wynn, le patron des casinos Wynn Resorts, lui aussi sous le coup d'accusations de harcèlement sexuel, a démissionné de ses fonctions. Le cours de Bourse du groupe a depuis chuté de 16% environ et les investisseurs s'interrogent sur le devenir de la participation de 11,8% détenue par Steve Wynn dans le capital. Si celui-ci décidait de s'en délester, l'entreprise pourrait devenir l'objet de tentatives de rachat. Guess ne se trouve pas en meilleure posture à Wall Street, avec une action qui a plongé de 21% depuis les dénonciations formulées par Kate Upton au début février.

Autant de conséquences suffisamment importantes sur la vie des entreprises pour justifier d'intégrer le harcèlement sexuel dans les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) utilisés par les investisseurs pour évaluer les sociétés.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; 33 (0)1 41 47 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH

Valeurs citées dans l'article : Guess?, Inc., Wynn Resorts