* Le commissaire européen Thierry Breton présentera le 19/02 la stratégie numérique de l'UE

* L'Europe peut devenir le leader des données industrielles-Breton

* Cette stratégie passe par des règles plus strictes et des investissements

par Michel Rose

PARIS, 15 février (Reuters) - L'Europe a peut-être perdu la bataille pour créer des géants du numériques rivalisant avec les entreprises américaines et chinoises spécialisées dans la gestion des données personnelles, mais elle compte bien gagner la guerre des données industrielles, a déclaré samedi à Reuters le commissaire européen au marché intérieur.

Préoccupée par la dominations écrasante des groupes américains Google, Amazon ou encore chinois comme Huawei, l'Union européenne a décidé de rompre avec sa politique du "laissez-faire" qui fut la marque des années 2000 et de renforcer sa réglementation afin de protéger ses activités stratégiques.

Cette nouvelle approche sera détaillée mercredi lors de la présentation par Thierry Breton et sa collègue Margrethe Vestager de la nouvelle stratégie du bloc en matière de données et d'intelligence artificielle.

"Nous entrons dans une nouvelle phase, celle de l'avènement massif des données industrielles. La guerre des données industrielles commence maintenant et le principale champ de bataille sera en Europe", a déclaré l'ancien ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie dans une interview à Reuters.

Selon Thierry Breton, l'Europe est la mieux placée pour remporter cette nouvelle étape de la révolution numérique, qui passe par la récolte, la gestion et l'analyse des données de secteurs aussi divers que l'industrie, les transports, l'énergie ou la santé.

"L'Europe est le tout premier continent industriel. Les Etats-Unis ont perdu beaucoup de leur savoir-faire industriel au cours de la vague de mondialisation. Il faut qu'ils la reconstruisent petit à petit. Quant à elle, la Chine a des handicaps en matière de valeur ajoutée, même si elle les rattrape", a ajouté Thierry Breton.

"Mais le gros de la chaîne de valeur ajoutée, qu'il s'agisse de grands groupes ou de PME, est aujourd'hui localisé en Europe. C'est la raison pour laquelle tous les regards sont tournés vers l'Europe", a-t-il ajouté.

Selon le commissaire européen - qui s'exprimait en marge d'une conférence sur la sécurité à Munich où il doit rencontrer le directeur général de Microsoft avant de s'entretenir lundi à Bruxelles avec Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook - Bruxelles doit adopter une attitude plus ferme que dans le passé sur ces questions.

"L'EUROPE N'EST PAS NAÏVE"

L'ancien PDG du groupe de services informatiques Atos et du groupe de télécoms Orange, détaillera mercredi une nouvelle stratégie numérique en trois points, visant à fixer un cadre réglementaire plus strict, à investir dans des infrastructures et à développer une approche sectorielle.

Reuters a révélé le 29 janvier un projet de 25 pages détaillant un ensemble de mesures permettant de créer un marché unique des données, dont le contenu présenté le 19 février aura pu évoluer depuis. Il abordera des sujets comme l'utilisation transfrontière des données, l'interopérabilité des données et des standards dans des domaines comme l'industrie, les changements climatiques, l'automobile, la santé, les services financiers, l'agriculture ou encore l'énergie.

D'autres projets sont également attendus dans les mois qui viennent permettant un partage plus large et gratuit de données sur la géolocalisation, la météo, les statistiques et certaines données des entreprises au sein de l'UE.

Ce document proposait également de supprimer des réglements faisant obstacle au partage des données et éventuellement d'en créer d'autres permettant d'empêcher les grandes plates-formes en ligne d'imposer unilatéralement des conditions d'accès.

Samedi, Thierry Breton a insisté sur l'urgence de la tâche.

"L'Europe n'est pas naïve, elle peut très bien voir ce qui se passe. C'est pourquoi nous devons nous organiser maintenant, y compris en ce qui concerne le déploiement des premiers réseaux 5G", a-t-il déclaré. (Michel Rose, version française Jean-Michel Bélot)

Valeurs citées dans l'article : AtoS, Facebook, Alphabet Inc., Microsoft Corporation, Orange