Ouvrant un nouveau chapitre dans le feuilleton pour le contrôle de Lagardère, Vivendi et le fonds activiste Amber Capital ont dévoilé mardi un pacte d'actionnaires avec pour objectif d'obtenir des sièges au conseil de surveillance du groupe d'édition, de médias et de boutiques d'aéroport, une nouvelle menace pour son gérant, Arnaud Lagardère.

Vivendi, contrôlé par l'homme d'affaires Vincent Bolloré, et Amber détiennent respectivement 23,5% et 20% du capital de Lagardère, dont la gestion est contestée par plusieurs investisseurs.

"Malgré leurs divergences, et à la suite des très mauvais résultats annoncés par Lagardère il y a quelques jours, Amber Capital et Vivendi ont décidé de signer un pacte", a annoncé mardi matin Vivendi dans un communiqué.

Vivendi et Amber Capital "vont dans ce cadre entamer auprès de Lagardère des démarches afin d'avoir, chacun, au conseil de surveillance une représentation minoritaire, de trois membres pour Amber Capital et un membre pour Vivendi", a-t-il dit.

Les deux groupes vont demander qu'une nouvelle assemblée générale des actionnaires de Lagardère soit organisée "le plus tôt possible", a par la suite précisé à Reuters un porte-parole du fonds activiste britannique. Selon une source proche du dossier, cette assemblée pourrait se tenir dès le mois de septembre.

Le pacte conclu pour cinq ans entre les deux groupes prévoit aussi des droits réciproques de "première offre" et de préemption.

Il consomme ainsi la rupture entre Vincent Bolloré et Arnaud Lagardère alors que le premier affichait jusqu'à présent son soutien au second. Amber Capital, au contraire, est depuis plusieurs années le principal critique de la stratégie et des performances financières du gérant de Lagardère.

"UN SYSTÈME DE GESTION ABERRANT"

Les deux actionnaires ont l'un et l'autre régulièrement renforcé leur présence au capital de Lagardère ces derniers mois, avec de nouvelles prises de participation mi-juillet.

Fin juillet, Lagardère a annoncé avoir subi une perte opérationnelle de 218 millions d'euros au premier semestre, plombé par la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus.

L'un des principaux enjeux du dossier porte sur la structure de gestion en commandite qui permet à Arnaud Lagardère, fils du fondateur Jean-Luc Lagardère, de contrôler l'ensemble du groupe alors qu'il ne possède que 7% du capital.

Une tentative d'Amber pour mettre fin à cette situation avait été repoussée en mai grâce à un front commun auquel s'était associé Vincent Bolloré.

Mais peu après, un autre poids lourd du monde des affaires, le PDG du géant du luxe LVMH, Bernard Arnault, a pris une participation d'environ 25% dans Lagardère Capital & Management (LCM), la société holding d'Arnaud Lagardère.

Ce soutien surprise a permis à ce dernier de réduire la pression liée à son endettement personnel tout en renforçant le statu quo sur la commandite.

Amber et Vincent Bolloré entendent néanmoins toujours en finir avec ce statut, a déclaré une source proche du dossier.

"La commandite, c'est un système de gestion aberrant, qui est tolérable quand tout va bien mais qui est beaucoup plus difficile à supporter quand tout va mal", explique cette source.

Vivendi, de son côté, justifie le choix de l'alliance avec Amber par les "mauvais résultats" publiés par Lagardère. "Nous, ce qu'on sait, c'est que les résultats sont très, très mauvais et on a besoin d'un changement", a dit un porte-parole.

A la Bourse de Paris, l'action Lagardère gagnait près de 1% à 14,74 euros en début d'après-midi alors que l'indice CAC 40 progressait de plus de 2,7%. Le titre accuse une baisse de 24% depuis le début de l'année et de près de 50% depuis le printemps 2017.

(Avec Myriam Rivet, Jean-Stéphane Brosse et Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot et Henri-Pierre André)

par Mathieu Rosemain et Sudip Kar-Gupta