Le milliardaire Vincent Bolloré a engagé le mois dernier le processus de rapprochement entre Vivendi et le sixième groupe publicitaire mondial, deux sociétés qu'il contrôle via des participations détenues par son groupe familial (Groupe Bolloré).

L'opération d'un montant de 2,3 milliards d'euros consiste pour Vivendi à racheter la participation d'environ 60% que détient Bolloré dans Havas et devrait être bouclée d'ici deux semaines.

"En ce qui concerne la stratégie de (Vincent) Bolloré, elle est très claire : c'est une stratégie patrimoniale", a déclaré Maurice Lévy à Reuters à l'occasion du festival de la publicité Cannes Lions.

Prié de dire si cela signifiait qu'il n'y avait pas de logique industrielle à la transaction, il a répondu : "ce n'est que mon opinion personnelle".

"C'est normal que quelqu'un qui a des intérêts dans des endroits divers les regroupe pour essayer de tirer le meilleur parti de ces intérêts. Donc c’est une stratégie financiéro-patrimoniale", a-t-il ajouté.

Le PDG d'Havas Yannick Bolloré, fils de Vincent Bolloré, a pour sa part vanté les mérites de l'opération lors du même festival à l'occasion d'une conférence de presse aux côtés du président du directoire de Vivendi Arnaud de Puyfontaine et du patron d'Universal Music Group (UMG), une filiale de Vivendi, Lucian Grainge.

La nouvelle entité qui regroupera UMG, Havas et le groupe de télévision Canal+ devrait créer au moins 390 millions d'euros en termes de valeur, a expliqué le PDG, sans donner plus de précisions sur ce que recouvre ce montant.

QUELLE CRÉATION DE VALEUR ?

Maurice Lévy a pour sa part pointé le risque de conflit d'intérêts pour le groupe publicitaire dont certains clients sont susceptibles d'être en concurrence avec le groupe de médias.

"Aujourd'hui, c'est quelque chose qui est non seulement inadéquat mais qui est aussi mal perçu par les annonceurs parce que les annonceurs n'aiment pas le fait qu'un média puisse contrôler son agence ou qu'une agence puisse contrôler un média", a expliqué le dirigeant, dont le groupe est en compétition avec Havas.

"Ils n'aiment pas ce mélange des genres parce que cela jette une suspicion sur la manière dont les investissements publicitaires sont décidés".

Yannick Bolloré, prépositionné par son père pour prendre la tête de Vivendi à terme, balaye pour sa part cet argument.

"Le seul conflit d'intérêts concerne les capacités d'achats d'espace", a-t-il expliqué jeudi. "Les clients d'Havas représentent 0,5% des revenus (de Vivendi). Donc c'est vraiment négligeable".

"L'engagement que nous avons avec les clients est d'être transparents comme nous le faisons en France", a-t-il ajouté.

Martin Sorrell, le directeur général du numéro un mondial de la publicité WPP, estime pour sa part qu'un rapprochement entre médias et publicité a du sens à la condition de le faire dans la transparence avec les clients.

Il s'est en revanche montré plus sceptique quant à la valeur susceptible d'être créée par l'opération, en faisant valoir qu'Havas et Vivendi collaboraient déjà étroitement.

"Il disent qu'en se rapprochant, ils créeraient de la valeur", a-t-il expliqué lors d'un entretien à Cannes. "Ils avaient l'opportunité de le faire (...) Peut-être qu'ils vont faire davantage d'efforts cette fois".

(Gwénaëlle Barzic pour le service français, édité par Matthieu Protard)

par Mathieu Rosemain

Valeurs citées dans l'article : Havas, Publicis Groupe, Vivendi, Bolloré, WPP Group