Thomas Varela

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'incursion de Vivendi en Italie, parfois maladroite et perçue comme brutale, risque de compromettre les plans de convergence entre médias et télécoms du groupe en faisant se dresser contre lui une coalition de mécontents. Sa stratégie pour Telecom Italia reste pourtant l'option la plus sûre pour l'opérateur télécom italien.

Le fonds activiste américain Elliot Management a soulevé des questions de gouvernance pertinentes ces derniers mois. Mais sa véritable divergence avec le français consiste à promouvoir des cessions d'actifs rémunératrices dans l'immédiat et risquées à plus long terme.

La bataille entre les deux investisseurs connaîtra son heure de vérité à l'occasion d'une assemblée générale convoquée vendredi pour renouveler un conseil d'administration jusque-là dominé par le groupe de Vincent Bolloré, malgré une participation de seulement 24% du capital, tout juste sous le seuil rendant obligatoire le lancement d'une OPA en Italie. A la veille du vote, aucun des deux camps n'était sûr de l'emporter, compte tenu d'un actionnariat dispersé : Elliott revendique près de 9% des voix et la Caisse des dépôts italienne (CDP) moins et 5%, laissant plus de 60% des parts entre les mains d'autres fonds européens et américains.

Soutenu par une association d'actionnaires minoritaires, des sociétés de conseil ("proxy advisors") et peut-être par le gouvernement italien - la CDP n'a pas encore fait connaître son vote - Elliott aurait pu se rêver en porte-étendard de la fronde italienne contre un voisin français trop envahissant. Les actionnaires, très majoritairement étrangers, hésiteront toutefois à plonger le groupe dans une période d'incertitude en fragilisant sa direction actuelle, qu'Elliott prétend soutenir tout en s'opposant à l'actionnaire de référence qui l'a mise en place.

Le directeur général de Telecom Italia, Amos Genish, est l'homme de Vivendi, dont il a dirigé l'ancienne filiale brésilienne GVT. Il figure sur la liste de candidats du groupe français pour le conseil d'administration et a pris ses distances avec les propositions d'Elliott en matière de cessions d'actifs, insistant notamment sur la nécessité pour un opérateur de conserver le contrôle de son réseau de télécommunications, même en cas d'ouverture du capital.

Incertitudes sur le périmètre du groupe

N'aspirant pas à prendre directement le pouvoir, Elliott a présenté une liste de candidats tous théoriquement indépendants et se veut le champion de la démocratie actionnariale. Le fonds a fortement nuancé récemment ses déclarations initiales en matière de cessions pour pouvoir continuer à afficher son soutien à la stratégie actuelle. Cette dernière a pourtant été impulsée par Vivendi, qu'Elliott cherche dans le même temps - et de manière peu convaincante - à rendre responsable de la sous-performance boursière de TIM ces dernières années, dans une période de concurrence croissante sur le marché italien.

Si Elliott parvient à s'imposer malgré son positionnement difficile à suivre, les actionnaires se retrouveront dans l'inconnu. Ils risquent de perdre un directeur général apprécié et de compliquer la prise de décision au sein d'un conseil divisé, alors que Vivendi exclut tout désengagement, selon une source proche du dossier. Tout ça pour obtenir une gouvernance à la transparence relative, composée d'administrateurs indépendants qui devront leur place à Elliott.

Pour être crédible, une opposition à Vivendi aurait dû clarifier ses intentions quant au futur périmètre du groupe. Et ne pouvait pas se contenter de pointer quelques conflits d'intérêt supposés, dans l'attribution d'un contrat à Havas ou dans l'alliance dans les contenus avec Canal+, qu'Elliott ne prétend d'ailleurs pas remettre en cause.

Un camouflet infligé à Vivendi aurait au moins le mérite de sanctionner les libertés que Vincent Bolloré aime prendre avec les bonnes pratiques de gouvernance. Mais ce ne serait pas forcément la meilleure issue pour Telecom Italia et ses actionnaires.

- Thomas Varela, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 99; tvarela@agefi.fr ed : ECH

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