« Si je meurs cette nuit, je serai remplacé dans les 24 heures », a indiqué Warren Buffett le 1er mai dernier, répondant à une question d'un actionnaire, inquiet à l'idée que Berkshire puisse un jour perdre son capitaine. Une enveloppe scellée dans le bureau du milliardaire à Omaha contient ainsi le nom de l'heureux élu.

Si le mystère reste officiellement entier, on est en fait plus proche du secret de polichinelle. C'est en effet David Sokol, âgé de 54 ans, qui est fortement pressenti. « Tous ses associés sont au courant et à l'aise avec ce choix », assure le futur retraité de bientôt 80 ans. Charlie Munger, complice de toujours de Buffett, n'offre en effet pas toutes les garanties, avec ses 87 ans.

Warren Buffett a pour la première fois fait la connaissance de David Sokol en 1999. Le jeune entrepreneur, à l'époque président de MidAmerican Energy, cherchait à céder sa société, pour passer plus de temps avec sa famille (suite au décès de son fils). Après avoir exploré plusieurs pistes, notamment celle du private equity, il a pris son téléphone et appelé Walter Scott, qui lui a immédiatement conseillé de rencontrer son ami Warren. Une semaine après, le 25 octobre, ce dernier annonçait le rachat de MidAmerican, pour 2 milliards de dollars, après seulement une heure de discussions.

Les compliments de l'élève au maître
En bientôt onze années, les deux oiseaux ont appris à se connaître et à s'apprécier. Dans le livre « Derrière le rideau de Berkshire Hathaway : les leçons de Warren Buffett », on peut d'ailleurs lire ce que pense le jeune Padawan-Sokol de maître Yoda-Buffett. « Il a une connaissance à la fois étendue et profonde des choses. Il comprend tous les secteurs économiques, ainsi que la logique qui les sous-tend (...) Il en connait beaucoup parce qu'il lit tellement, et qu'il a la capacité à mobiliser ensemble le fruit de ses recherches et l'information recueillie pour parvenir à une décision rationnelle ».

En une décennie de collaboration, David Sokol, à la tête depuis août 2009 du leader européen de l'aviation d'affaires en propriété partagée NetJets, dans le giron de Berkshire, dit avoir beaucoup appris. Il a notamment retenu un précepte crucial dans la vie des affaires : ne jamais laisser l'émotion interférer avec le business. « Les décisions stratégiques doivent toujours s'appuyer sur des faits, des données chiffrées et les circonstances », répète-t-il, suivant en cela ce que lui a toujours enseigné son mentor.

Si le fauteuil de PDG de Berkshire devrait donc revenir à Sokol, il restera à nommer la personne en charge des investissements, une fonction clé dans l'empire de Buffett. Actuellement, ce dernier cumule les deux postes, mais dans son esprit ils ont vocation à être séparés. Sur ce dossier, le flou reste entier, car aucun prétendant ne s'est distingué ces derniers mois.

Toujours le 1er mai dernier, à l'assemblée générale, un actionnaire a posé cette ingénue question : « Que dois-je faire pour espérer remplacer M. Buffett ? ». Réponse de son bras droit, Charlie Munger : « Tuez-le ». Difficile en effet pour le gourou de Wall Street de passer la main, mais pour une fois le long terme joue contre lui...