Iliad a annoncé lundi son intention d'acquérir l'opérateur Play, leader du mobile en Pologne, pour 2,2 milliards d'euros, ce qui lui permettra de s'installer sur un troisième grand marché européen après la France et l'Italie.

Cette arrivée inattendue en Pologne, qui doit faire d'Iliad le sixième groupe télécoms européen, laisse toutefois les investisseurs sceptiques alors que de lourds investissements l'attendent déjà en France, son marché initial, et en Italie, où il est apparu en 2018.

Iliad a aussi une participation minoritaire dans l'irlandais Eir.

Le titre perdait 1,95% à 165,70 euros en milieu de journée à la Bourse de Paris, légèrement moins que l'indice sectoriel européen, en recul de 2,53% au même moment.

"Se relancer dans une nouvelle aventure en Pologne est une surprise pour les investisseurs qui auraient justement souhaité voir les bénéfices des améliorations en France et en Italie", a dit Stéphane Beyazian, analyste chez Main First Bank.

Le groupe de Xavier Niel a conclu un accord contraignant auprès des deux actionnaires de référence de Play pour acquérir un bloc de contrôle de 40% du capital au même prix que son offre, 39 zlotys par action, soit une prime de 38,8% sur le cours de clôture de vendredi.

Cette opération donne à Play une valeur d'entreprise de 3,5 milliards d'euros.

Iliad sort à peine d'une période chahutée en France, où il a souffert de la concurrence après avoir lui-même bouleversé le marché avec une stratégie de prix cassés. Ces difficultés ont même amené Xavier Niel à garantir intégralement avec sa fortune personnelle une augmentation de capital de 1,4 milliard d'euros destinée à financer un programme de rachat d'actions.

"LE MÊME ÉTAT D'ESPRIT"

Le groupe, maison mère de l'opérateur Free, est parvenu à redresser la barre en France, où il a attiré de nouveaux abonnés depuis le début de l'année, tout en atteignant une part de marché de 8% dans le mobile en Italie.

Il va toutefois devoir investir fortement dans ses réseaux et cette perspective a inquiété les investisseurs lors de la présentation de ses résultats semestriels en début de mois.

Lancé en 2007, Play s'est développé selon le même modèle qu'Iliad en France avec une politique commerciale agressive lui ayant permis de s'installer à la première place du marché mobile polonais avec une part de marché de 29% et 15 millions d'abonnés.

"Nous avons le même état d'esprit anticonformiste", a dit Thomas Reynaud, directeur général d'Iliad, lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

Le marché des télécoms est en train de se stabiliser en Pologne après une guerre des prix qui a pesé sur les résultats des différents opérateurs.

Play est en concurrence avec la filiale locale d'Orange, Orange Polska, avec celle de Deutsche Telekom, T-Mobile, et avec Polkomtel. Il a lancé une offre fixe à haut débit cette année et Iliad compte l'aider à la développer.

Il a réalisé au cours des 12 derniers mois un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros, soit une croissance de 2,0% à change constant, et un bénéfice d'exploitation (Ebitdaal) de 523 millions d'euros, soit une marge de 32,1%.

Iliad affirme que cette acquisition sera relutive dès la première année et financée par de la dette et par la trésorerie disponible. Son offre court du 19 octobre au 17 novembre.

(Avec Geert De Clercq, Bertrand Boucey, Douglas Busvine et Anna Koper, édité par Jean-Philippe Lefief)

par Mathieu Rosemain