Dans un secteur des sports et loisirs d’intérieur directement affecté par la crise sanitaire, ABEO publie des résultats annuels à mars 2020 dont l’amorce de redressement fut gâchée par le COVID. L’exercice actuel s’ouvre sur un effondrement de moitié de l’activité face auquel Olivier Estèves semble mettre en place les mesures musclées qui s’imposaient : rationalisation des coûts et mobilisation du cash. Avec le souci de mettre en place les conditions d’une sortie de crise riche d’opportunités. Entretien.

Olivier Estèves, il y a 4 ans ABEO s’introduisait en Bourse avec 2020 pour horizon. Quel bilan pouvez-vous faire de ces 4 années ?

"Effectivement, en 2016 nous ouvrions notre capital à la Bourse à hauteur de 20%, levée de fonds complétée par une augmentation de capital de 26,8 M€ en février 2018. Au-delà des capitaux levés, la Bourse nous a apporté la meilleure visibilité et la crédibilité escomptée. En termes d’exécution de notre stratégie, nous nous étions fixé un objectif de réaliser 300 M€ de CA en 2020. Cet objectif qui n’a pas été atteint puisque nous avons publié un CA à fin mars 2020 de 236 M€. Pourquoi ? Tout d’abord, rappelons que nous venions de 134 M€ en 2015. Notre objectif de 20% de croissance annuelle reposait pour un tiers sur de la croissance organique, qui s’est élevée à 5% hors COVID et 3,4% avec, et pour deux tiers sur de la croissance externe. Même si le volume d’affaires apporté par la croissance externe est inférieur à nos projections, nous nous félicitons d’avoir pu réaliser 7 acquisitions en quatre ans. ABEO réalise aujourd’hui 74% de son activité à l’international, avec une présence en Chine et aux États-Unis, et fait figure d’acteur de référence sur un marché mondial toujours très fragmenté estimé à 5 milliards d’euros."

Positionnement et marques d’ABEO (source : Société)

Comment s’est passée l’intégration des cibles acquises ?

"Sur sept acquisitions, trois se sont passées conformément aux prévisions, trois ont mis un peu plus de temps que prévu à être intégrées. Une, en Chine, s’est révélée compliquée car nous n’avions pas tout à fait la main : l’actionnaire de départ avait gardé 20% du capital, que nous avons racheté par la suite pour opérer un retournement complet de la société, aujourd’hui remise dans le sens souhaité initialement. Globalement, je suis serein quant à la contribution de l’ensemble de ces acquisitions à notre redécollage post-Covid."

Comment vivez-vous cette crise sanitaire alors qu’ABEO est essentiellement spécialisé sur les sports d’intérieur ?

"Effectivement, la pratique des sports et loisirs en indoor, qui représentent 95% de nos activités (Basketball, Gymnastique…) est difficilement compatible avec le respect des barrières sanitaires. L’impact de la crise est donc très significatif sur notre production puisque sur les 12 pays où nous sommes présents, la majorité ont connu des fermetures de production. La réouverture fut progressive et aujourd’hui seule une unité de production en Angleterre reste fermée. Par rapport à l’exercice précédent, mars a vu le CA baisser de 40%, avec un impact de 7 à 9 M€ sur le CA et supérieur à 3 M€ sur l’Ebitda, sur avril la baisse dépasse la moitié du CA, et mai est bien meilleur, mais toujours en forte baisse.

Pour le reste de l’année, nous pouvons nous appuyer sur un carnet de commande d’environ 1 année de CA qui pour l’instant connait surtout des reports, les annulations restant très rares. Face aux incertitudes, nous sommes très vigilants en matière de sécurisation de notre trésorerie et de nos créances clients ainsi qu’en matière de réduction des coûts."

Quelles mesures de réduction des coûts avez-vous entrepris ?

"Nos marchés sont très impactés, mais restent fondamentalement porteurs. En attendant un rebond inéluctable, nous avons estimé nécessaire de lancer un plan d’économies d’envergure. Au-delà du recours au chômage partiel, au gel des recrutements et d’un plan de réduction des charges externes, nous allons effectuer un travail sur les coûts fixes, notamment en mutualisant certaines ressources (regroupement de sites industriels en Chine, synergies Groupe avec le bureau de design en Inde, etc.). Ce travail d’intégration avait été un peu mis de côté ces dernières années avec les acquisitions. Au total, cela doit nous permettre de réduire notre point mort à hauteur minimum de 15 à 20% du CA. Par ailleurs, afin de préserver les ressources pendant cette période, nous avons pu renforcer notre trésorerie de 33 M€ via deux prêts obtenus auprès de nos partenaires bancaires. Ceux-ci renouvellent ainsi leur pleine confiance dans la capacité de rebond du Groupe."

Une histoire de croissance avec de nombreuses acquisitions

La croissance externe financée par l’endettement reste-t-elle la stratégie d’ABEO ?

"Pour cette année qui commence, notre priorité est d’amortir autant que possible l’impact Covid et d’en sortir avec les meilleurs fondamentaux possibles. Au-delà du travail de rationalisation nécessaire après ces années de forte croissance, il nous faut poser les conditions d’une croissance organique retrouvée. Les projets autour du sport et surtout du loisir ne vont pas manquer dans les années à venir. Les investisseurs privés ne manquent pas dans le secteur. Une fois ce travail réalisé en interne, nous retrouverons notre modèle historique d’acquisitions financées par l’endettement et les fonds propres, par autofinancement et augmentation de capital. Nos marchés restent à structurer, ils n’auront pas fondamentalement été modifiés par le Covid si ce n’est qu’il y aura des sociétés qui ne passeront pas la crise. ABEO a d’ores et déjà mobilisé toutes les ressources financières pour la traverser sans stress financier et pouvoir saisir des opportunités en sortie de crise."

Source : société