Milan (awp/afp) - La famille Benetton, associée au fonds d'investissement américain Blackstone, a lancé jeudi une offre publique d'achat (OPA) sur Atlantia, prenant de vitesse le géant espagnol de la construction ACS qui a également des visées sur le groupe autoroutier et aéroportuaire italien.

Le prix de l'OPA a été fixé à 23 euros (23,4 francs suisses) par action, auquel s'ajoute un dividende de 0,74 euro, selon la holding des Benetton, Edizione. L'offre valorise l'ensemble du groupe à 19 milliards d'euros, ce qui, en cas de succès, en ferait l'une des plus grosses OPA depuis le début de l'année.

Benetton, principal actionnaire d'Atlantia avec une part de 33,1%, compte ainsi contrecarrer les projets jugés hostiles d'ACS, qui s'est allié avec deux autres fonds, GIP et Brookfield, pour racheter Atlantia et prendre notamment le contrôle de ses autoroutes.

Pour acquérir les 66,9% du capital qu'il ne possède pas encore, Benetton, conjointement avec Blackstone, devra débourser près de 12,7 milliards d'euros. La dette nette d'Atlantia s'élève à 29 milliards d'euros.

L'objectif est de retirer Atlantia de la cote et le mettre ainsi à l'abri d'éventuels prédateurs qui voudraient s'en emparer et perturber les projets d'investissement à long terme de la famille Benetton pour le groupe qu'il considère comme "stratégique".

L'OPA des Benetton vise aussi à éviter que la société d'autoroutes Abertis, détenue conjointement avec ACS, passe sous le seul contrôle du groupe espagnol.

L'offre a été lancée par un véhicule créé à cet effet, contrôlé à 65% par Benetton et à 35% par Blackstone, qui contribuera environ 4,4 milliards d'euros. Un autre actionnaire historique, la fondation CRT (4,54%), compte également apporter ses actions. Le taux d'acceptation minimum de l'OPA a été fixé à 90%.

L'annonce a été bien accueillie à la Bourse de Milan, où le titre progressait vers 10h10 (08h10 GMT) de 5,07% à 23,00 euros, atteignant ainsi le cours de l'OPA.

Bataille boursière?

Le prix de l'offre représente une prime de 5,3% par rapport au cours de clôture de jeudi et de 24,4% par rapport au cours du 5 avril, avant que ne circulent de premières spéculations sur une éventuelle offre d'ACS pour Atlantia.

Le groupe espagnol avait annoncé le 6 avril avoir conclu "un accord exclusif" avec GIP et Brookfield, dans le cadre duquel ACS rachèterait "la majorité de la division de concessions autoroutières".

Approchée "de manière non sollicitée" par ACS et les deux fonds, la holding des Benetton avait fait savoir le lendemain qu'une telle opération était selon elle "dénuée d'intérêt", dans la mesure où elle conduirait à un "éclatement du groupe Atlantia".

Atlantia, qui emploie plus de 30'000 personnes dans 24 pays, gère cinq aéroports et plus de 50 concessions autoroutières dans une dizaine de pays.

L'OPA aura été la première décision d'envergure à prendre par Alessandro Benetton, 58 ans, fils du cofondateur du groupe Luciano Benetton et nouveau président d'Edizione qui a pris ses fonctions en janvier.

Une bataille boursière pour Atlantia n'est pas à exclure, car ACS, dirigé par Florentino Perez, président du club de football du Real Madrid, est toujours en embuscade et pourrait renchérir sur l'offre de la famille Benetton.

ACS dispose de liquidités supplémentaires depuis la vente en 2021 de ses activités énergie au géant français de la construction Vinci pour un montant d'environ 4,9 milliards d'euros.

8 milliards d'euros en vue

Toutefois, "une prise de contrôle hostile d'Atlantia par ACS a peu de chances de réussir sans un accord avec le principal actionnaire d'Atlantia, Edizione", ont prévenu les analystes de Kepler.

Cette OPA intervient au moment où Atlantia s'apprête à encaisser, le 5 mai, 8 milliards d'euros, fruit de la vente de sa part de 88% détenue dans Autostrade per l'Italia (Aspi) à un consortium emmené par la Caisse des dépôts italienne (CDP) et auquel appartient également le fonds Blackstone.

Florentino Perez avait lui aussi manifesté son intérêt pour Aspi auprès d'Atlantia sans toutefois déposer une offre formelle.

Depuis l'effondrement du viaduc de Gênes en août 2018, qui a fait 43 morts et dont Autostrade est le gestionnaire, la famille Benetton était sous forte pression pour vendre sa part.

L'enquête, qui a mis en évidence de graves manquements dans l'entretien du pont, débouchera en juillet sur un procès impliquant 59 personnes.

afp/fr