Un groupe diversifié mais dominé par les activités en France 

Le cœur de métier d’Aéroports de Paris est la gestion d’aéroports. Comme son nom ne l’indique pas, la société opère des infrastructures dans le monde entier, bien que le trio de la capitale française, Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, compte pour 72,8% du chiffre d’affaires. La société possède trois filiales à l’international, en plus de ses activités dans l’Hexagone : 

  • GMR Airports, dont ADP détient 49%, aux côtés de l’indien GMR Airports Infrastructure. La filiale regroupe les aéroports indiens de New Delhi (21,2% des passagers du groupe l’an dernier), Hyderabad, de Goa, et de Medan en Indonésie. 
  • La seconde filiale, TAV Airports est détenue à 46,4%. Elle regroupe 14 aéroports, les principaux étant les turcs d’Antalya (11,1% du trafic total), Ankara, Izmir, celui de Médine en Arabie Saoudite et l’aéroport d’Almaty au Kazakhstan. 
  • Enfin, ceux de Santiago du Chili et d’Amman en Jordanie sont regroupés au sein de la filiale ADP International, détenue à 100%. 

En tout et pour tout, Aéroports de Paris à des participations dans 28 aéroports et 10 aérodromes, qui ont représenté ensemble un trafic de 280,4 millions de passagers en 2022. 

Aéroports de Paris, un groupe global (source : ADP) 

Le poids des aéroports français dans le chiffre d’affaires, alors qu’ils ne représentent que 31% du trafic passagers, s’explique par deux éléments. Tout d’abord, les services fournis par le gestionnaire sont bien plus nombreux et complets en France, ce qui stimule les revenus. On y retrouve, en plus des activités de gestionnaire classique (mises à disposition des infrastructures pour les compagnies aériennes, fourniture de prestations comme l’énergie, les fluides ou les télécommunications, accueil des passagers, mesures de sûreté, etc) des activités commerciales (boutiques, bars, restaurants, parcs de stationnement, locations de voitures, bureaux de change, etc), de publicité et de filiales de distribution (Relay ou EPIGO pour la restauration). Ensuite, ADP n’est pas majoritaire dans les filiales GMR et TAV, ce qui fait que les résultats des deux entités ne sont pas entièrement consolidés dans le périmètre du groupe. 

Enfin, précisons qu’ADP possède aussi d’autres activités, comme l’ingénierie aéroportuaire et les activités immobilières, mais ces dernières sont regroupées, dans les comptes, aux activités de gestionnaires que nous venons de décrire. 

Une décote lié à l’actionnariat

ADP présente l’avantage d’évoluer sur un marché où la concurrence est très faible. Quelques gros acteurs contrôlent l’exploitation des grands aéroports, comme Fraport qui exploite l’aéroport de Francfort ou Aena en Espagne. Les contrats pour les concessions aéroportuaires sont signés sur de longues périodes, ce qui est souvent gage de visibilité sur le long terme. Revers de la médaille, les activités sont en grande partie réglementées par l’Etat, ce qui fait que la marge de manœuvre de l’entreprise gestionnaire est bien plus limitée que pour une activité traditionnelle. ADP ne peut ainsi augmenter ses tarifs comme la société l’entend sans devoir passer par d'âpres négociations. Il ne convient pas ici de dire que les concessions sont un business peu intéressant, loin de là. Des acteurs comme Vinci ou Eiffage s’arrachent les contrats pour les concessions autoroutières. Il s’agit simplement d’un constat qui mène à la conclusion que la présence de l’Etat français et, en moindre mesure, de l'Etat néerlandais au capital d’ADP crée une décote sur la valeur, comme cela est souvent le cas dans des situations similaires. Le tableau ci-dessous illustre les activités en comparant les rentabilités selon si les activités sont réglementées ou non. 

Comparaison des marges entre les activités réglementées par l’Etat et les autres. Les chiffres sont en millions d'euros. (source : Zonebourse)

Un redémarrage en douceur 

Le groupe a fait partie des acteurs cotés ayant le plus souffert du covid, suite à l'arrêt du trafic aérien mondial. Le titre avait alors perdu plus de 60% de sa valeur avant de remonter progressivement depuis. A l’heure actuelle, le cours est encore 30% inférieur aux plus hauts atteints à la mi-2018. L’attention des investisseurs tourne en effet beaucoup autour de la comparaison du trafic passagers publié par rapport à 2019, année de référence pré-covid. A fin 2022 le trafic représentait 80,9% de celui de 2019. En février de cette année, il s’établissait à 95%. 

Le trafic aérien repart, mais reste inférieur à 2019 : chiffres à fin 2022 (source : ADP) 

Les craintes de récession mondiale sont un autre élément qui empêche encore le cours de retrouver les niveaux qu’il a connus. Le trafic touristique est cyclique et une potentielle récession fait craindre un ralentissement dans la recovery du secteur. Enfin, l’inflation, qui a fait s’envoler les prix des billets d’avions, reste un facteur à surveiller de près. Le budget des vacances à l’étranger dépend en effet en grande partie du prix de l’avion. 

Enfin, le groupe souffre d’une dette élevée qui a augmenté avec l’effet du Covid. Les coûts n’étant plus compensés par les ventes, la société a eu recours à un fort endettement qui représente aujourd’hui plus de 4 fois l’EBITDA, à 7,6 Mds€. 

L’endettement a augmenté avec le Covid (source : Zonebourse) 

Les chiffres à fin 2022 font état d’un chiffre d'affaires de 4,69 Mds€, tout proche des 4,7 Mds€ de 2019. La marge nette est cependant encore en retrait, à 11%, contre 12,5% trois ans plus tôt. Par contre, les free cash flow ressortent plus de deux fois supérieurs, à 864 M€, contre 350 M€ en 2019. Ces bons éléments ont permis à la société de renouer avec le dividende qui avait été coupé sur la période dans une optique de bonne gestion et de non visibilité sur le redémarrage du trafic mondial. 

Aéroports de Paris est une société au modèle très rentable, mais qui est victime des aléas économiques, et depuis trois ans, des aléas de la pandémie. La dette héritée de cette période est élevée et est à surveiller de prêt. Néanmoins, le bout du tunnel semble visible pour le groupe qui vise un retour du trafic aérien pré-pandémique d’ici 2024. Pour l’exercice en cours, ADP s’attend à un EBITDA égal ou supérieur par rapport à 2019. D’autre part, les investissements à l’étranger devraient permettre de continuer de moins dépendre du marché français et de devenir plus internationalisé. Pour autant, la décote à l’heure actuelle (PER de 24 fois contre 29 fois en 2019) semble justifiée par les éléments que nous avons cernés.

Situation du compte de résultat (source : Zonebourse)