sociétés devant la justice

BOBIGNY (awp/afp) - Un tronçon du terminal 2E de l'aéroport s'était effondré en 2004, tuant quatre voyageurs et écornant l'image du premier aéroport français: l'exploitant ADP et trois sociétés sont jugés à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Bobigny.

Les quatre entreprises - le groupe ADP (Aéroports de Paris), le constructeur GTM, filiale de Vinci, le bureau d'études Ingerop et le groupe d'inspection et de certification Bureau Veritas - comparaîtront jusqu'au 14 décembre pour homicides et blessures involontaires.

Le toit de l'aérogare la plus prestigieuse du deuxième aéroport européen avait cédé au petit matin du 23 mai 2004, onze mois après son inauguration: six arcs en béton et quatre passerelles s'étaient effondrés sur une trentaine de mètres, au niveau de la jetée d'embarquement.

Quatre voyageurs étrangers âgés de 27 à 37 ans étaient décédés : une Libanaise, une Ukrainienne et deux Chinois. Sept personnes avaient également été blessées, dont deux policiers de la police aux frontières qui venaient d'être dépêchés sur place après le signalement d'une fissure.

Les quatre victimes étaient en escale à Roissy. Les deux ressortissants chinois se rendaient en voyage d'affaires au Mexique, la victime libanaise était en route pour New York, où elle vivait. Enfin, la voyageuse ukrainienne, en provenance de Kiev, allait s'envoler pour Miami avec un faux passeport.

Dès 2005, une enquête administrative avait conclu à un défaut de réalisation et de conception du bâtiment, la section effondrée étant considérée comme trop fragile, dès l'origine.

Le renvoi devant un tribunal correctionnel de l'exploitant de l'aéroport et des trois sociétés impliquées dans la construction ou la supervision de l'ouvrage n'avait été décidé par un juge qu'en octobre 2017, au terme d'une instruction fleuve, ponctuée par les expertises destinées à démêler les responsabilités dans ce dossier très technique.

"Fautes d'inattention"

Des experts ont démontré que la résistance des voûtes était "très insuffisante" et la structure "très proche de la ruine dès sa conception", selon une source proche du dossier. Ils avaient aussi relevé des "fautes d'inattention" à tous les niveaux de l'opération, "révélatrices" d'un "défaut de coordination et de supervision".

Ils avaient évalué à 50% la part de responsabilité technique d'ADP, contre 25% pour Ingerop, 15% pour GTM et 10% pour Veritas.

Il est notamment reproché au groupe ADP - à la fois maître d'ouvrage (concepteur) et maître d'oeuvre (client) - de s'être montré négligent "eu égard à la complexité et au caractère atypique de l'ouvrage envisagé", qui relevait "d'une conception innovante et audacieuse, mais aussi complexe voire hasardeuse", selon la source proche du dossier.

Le terminal 2E, vitrine de Roissy, avait été dessiné par l'architecte Paul Andreu, également concepteur de l'Opéra de Pékin. Sa construction avait coûté à ADP environ 650 millions d'euros, dont 150 millions d'euros pour la jetée d'embarquement.

Sollicités par l'AFP, Hugues Calvet, l'avocat du groupe ADP, et Bureau Veritas n'ont pas souhaité s'exprimer.

L'un des avocats de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), Gérard Chemla, jugeait en 2017 que "dans l'édification de cette aérogare, on a perdu de vue la sécurité au profit du prestige". "Il est certain que les prévenus vont jouer la carte du temps et se rejeter la responsabilité", a estimé auprès de l'AFP sa consoeur Clarisse Serre.

Les familles des deux ressortissants chinois, indemnisées en 2006, ne seront pas représentées à l'audience, a appris l'AFP.

Après son effondrement partiel, la jetée avait dû fermer pendant quatre ans. Il a fallu 130 millions d'euros de travaux pour reconstruire une jetée au profil semblable mais entièrement repensée, avec une voûte métallique à la place de l'ancienne structure en béton.

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