par Julien Toyer

L'opération, qui prévoit la prise de contrôle de 75% de Fortis Banque et indirectement de 25% de l'activité d'assurance en Belgique, a recueilli 72,99% des votes mais elle doit encore recevoir l'aval des actionnaires néerlandais mercredi à Utrecht pour être validée.

L'avocat belge Mischael Modrikamen, qui a mené la révolte d'une partie des petits actionnaires du groupe belgo-néerlandais pendant l'AG, mais a quitté la salle avant le vote, a indiqué à Reuters qu'il envisageait de continuer son combat contre le démantèlement de la banque devant la justice belge.

Plus tôt, sous son impulsion, des actionnaires opposés au rachat avaient encerclé à plusieurs reprises la tribune où se trouvait le conseil d'administration de Fortis.

Sous les huées et essuyant des jets de chaussures, de pièces de monnaie et de journaux, Karel de Boeck, le président de Fortis Holding, et Josef De Mey, le président du conseil d'administration de Fortis, ont dû se retirer une première fois de la salle pendant une trentaine de minutes.

A leur retour, l'assemblée, qui avait pourtant débuté dans le calme vers 10h45, a continué à être constamment perturbée par des actionnaires réclamant qu'elle se prononce sur la participation ou non de Fortis Holding au vote sur le projet de rachat par BNP Paribas.

Fortis Holding détient quelque 170 millions de votes sur un total exprimé lors de l'AG de 658 millions. Quelque 26,8% du capital était représenté mardi, contre à peine plus de 20% lors de la précédente assemblée de février.

Face au refus du conseil d'administration, qui en début de séance avait recommandé de voter en faveur de l'opération, les actionnaires ont ensuite demandé l'annulation de l'assemblée ainsi que la démission de Josef De Mey et de Karel de Boeck, avant qu'une deuxième suspension de séance n'intervienne.

DROITS DE VOTE

Plus tôt, Pierre Nothomb, du cabinet Deminor, qui représente des minoritaires, et Mischael Modrikamen avaient accusé le conseil d'administration et le gouvernement belge de servir les intérêts de l'étranger et de "brader le joyau de la couronne pour une bouchée de pain", selon les mots de ce dernier, faisant valoir que la banque était solvable et rentable seule.

"Le 'stand alone' est possible et peut rapporter beaucoup pour l'ensemble des stakeholders (parties prenantes)", a dit l'avocat belge.

A l'issue de l'assemblée, il a estimé qu'un appel était possible devant la justice sur la question de la participation au vote de Fortis Holding.

"Nous pouvons très bien demander la suspension de cette assemblée dans les jours qui viennent. Nous allons maintenant étudier à tête reposée les options qui s'offrent à nous mais clairement la suspension est une option", a-t-il dit.

Une grande partie des actionnaires a accueilli le résultat dans le calme mais quelques uns d'entre eux ne cachaient pas leur détresse à la sortie de la salle, après avoir souvent perdu la quasi totalité des fonds investis dans la banque, dont le cours a perdu plus de 90% de sa valeur sur un an.

"Ils m'ont tout volé. Vingt-cinq ans d'épargne se sont envolés. Je suis ruinée", s'est lamentée une actionnaire, les larmes aux yeux.

Dans un communiqué, le Premier ministre belge, Herman Van Rompuy, s'est quant à lui félicité du résultat.

"J'appréhende avec une totale confiance le vote d'Utrecht. Après cela, on pourra tout mettre en oeuvre pour consolider l'avenir de Fortis Banque", a-t-il déclaré.

SEPT MOIS DE BATAILLE

BNP Paribas, qui ambitionne de devenir avec cette opération la première banque de dépôts de la zone euro, et bataille depuis sept mois pour le rachat de Fortis, a vu de nombreux obstacles se dresser sur sa route.

Outre la bras de fer judiciaire avec Modrikamen, le dossier Fortis a été à l'origine d'une crise politique en Belgique en fin d'année dernière.

Soupçonné d'avoir tenté d'influencer la justice belge, saisie par des actionnaires s'estimant lésés par le démantèlement de Fortis, Yves Leterme fut contraint d'abandonner son poste de Premier ministre, obligeant son successeur Herman Van Rompuy à gérer ce dossier avec beaucoup de doigté.

Le groupe dirigé par Baudouin Prot a de son côté renégocié à deux reprises son offre de rachat d'une partie des actifs de la banque belgo-néerlandaise, sauvée de la faillite en octobre 2008 grâce à une recapitalisation de 11,2 milliards d'euros effectuée par les Etats belge, luxembourgeois et néerlandais, avant que les Pays-Bas nationalisent ensuite les activités néerlandaises.

Le titre BNP Paribas a clôturé en baisse de 3,86% à 36,77 euros, après avoir perdu plus de 5% en journée, sous-performant légèrement l'indice sectoriel DJ Stoxx des banques européennes (-2,56%).

A Bruxelles, la cotation de l'action Fortis était suspendue mardi conformément à une annonce de l'autorité belge des marchés financiers (CBFA).

Avec Matthieu Protard à Paris et Bate Felix à Gand, édité par Jacques Poznanski et Jean-Michel Bélot