par Matthieu Protard

Ping An, principal actionnaire de Fortis avec près de 5% du capital, a fait part de son intention de voter "contre la vente des actifs" mercredi lors de l'assemblée générale de Fortis à Bruxelles.

Un porte-parole de BNP Paribas s'est refusé dimanche à tout commentaire sur cette décision alors que la position de Ping An est considérée par les observateurs comme décisive pour le vote de mercredi.

La banque française avait pourtant décidé ce week-end de mettre tout son poids dans la balance pour convaincre les actionnaires de voter en faveur du démantèlement de la banque belge et pour son rachat par BNP Paribas.

Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, a ainsi multiplié les interviews à la presse belge pour défendre son projet de rachat de Fortis, après avoir déjà accepté des concessions fin janvier.

"Le temps du dénouement est venu et il faut que chacun assume ses responsabilités", a-t-il déclaré dans un entretien à L'Echo et au Tijd de samedi.

"Nous comprenons qu'il y a eu un traumatisme terrible pour la Belgique, pour les actionnaires, pour Fortis. Mais il nous semble à présent indispensable de passer au temps de l'action et des solutions", a ajouté Baudouin Prot.

BNP Paribas a également cherché à rassurer les salariés de la banque belge en assurant qu'il n'y aurait pas de licenciements massifs après le rachat de Fortis.

"Parler de bain de sang social et de synergies massives me paraît déplacé. Fusionner deux réseaux belges entre eux poserait bien plus de problèmes sociaux", a souligné Baudouin Prot.

LA DIRECTION DE FORTIS MOBILISÉE

La direction de Fortis est elle aussi à la manoeuvre pour que le "oui" l'emporte à l'assemblée générale.

"Le conseil d'administration de Fortis est d'avis que l'opération améliorée est dans l'intérêt de toutes les parties prenantes (...) de Fortis et avant tout des actionnaires de Fortis", lit-on dans une circulaire adressée le 31 janvier aux actionnaires de Fortis, rappelant les concessions faites par BNP.

Fin janvier, suivant les recommandations d'un rapport d'experts désignés par la justice belge, la banque française a accepté de renégocier certains points de l'accord conclu en octobre 2008 sur le rachat de Fortis.

Pour tenter de désamorcer la fronde de certains actionnaires s'estimant lésés dans le sauvetage de Fortis, BNP Paribas a notamment convenu de ne racheter que 10% de Fortis Insurance Belgium, au lieu des 100% initialement prévus.

La direction de Fortis met également en garde contre les risques d'un rejet par les actionnaires et explique qu'un vote négatif annulerait le nouvel accord avec BNP Paribas.

"En cas de vote défavorable (...), l'avenant ne prendra pas effet et le protocole d'accord initial du 10 octobre 2008 continuera à lier les parties sans les améliorations de l'avenant", lit-on dans la circulaire aux actionnaires.

UN "PLAN B" POUR FORTIS ?

L'enjeu de l'assemblée générale est pris très au sérieux par les dirigeants de Fortis qui, selon la presse belge, travaillent à un "plan B" dans l'hypothèse où le non l'emporterait mercredi.

Selon L'Echo, la banque belge cherche à s'assurer des liquidités et prépare un plan de communication pour rassurer les épargnants et éviter toute ruée sur les dépôts.

Les concessions n'ont pas toutefois encore convaincu toutes les parties. Le cabinet de conseil aux actionnaires Deminor a appelé mardi à voter contre le projet de démantèlement de Fortis et jugé que le nouvel accord avec BNP Paribas restait insuffisant.

La fédération des actionnaires néerlandais VEB, toujours dubitative, n'a pas exclu de se prononcer contre ce projet.

Dans cette chasse aux "oui", l'attitude de Ping An était pourtant jugée capitale.

"Le vote de Ping An sera essentiel pour obtenir un vote en faveur de l'accord amélioré", estimaient la semaine dernière les analystes de Kepler Capital Markets dans une note.

Dans son édition de vendredi, le quotidien De Tijd rapportait même que des négociations avaient eu lieu entre le gouvernement belge et Ping An pour tenter de convaincre l'assureur chinois d'apporter son soutien.

L'exercice reste toutefois très périlleux pour le gouvernement belge d'autant que le dossier Fortis a déjà coûté en décembre à Yves Leterme son poste de Premier ministre. Il a été accusé avec son équipe d'avoir exercé des pressions sur la justice pour faire valider son plan de renflouement de la banque.

En octobre dernier, la banque belgo-néerlandaise a été sauvée du dépôt de bilan grâce à une nationalisation partielle du groupe par les trois Etats du Benelux.

BNP Paribas a ensuite proposé de racheter les activités bancaires et d'assurance de la banque en Belgique et au Luxembourg. L'accord prévoit l'entrée des Etats belge et luxembourgeois au capital de la banque française à hauteur respectivement de 11,6% et de 1,1%. BNP Paribas détiendrait 75% de Fortis Bank Belgium.

Le titre BNP Paribas a clôturé vendredi en hausse de 4,89% à 29,05 euros, conférant à la banque une capitalisation boursière de 26,5 milliards d'euros. L'action Fortis a terminé sur une hausse de 7,63% à 1,45 euro.

Avec Jeremy Smith à Bruxelles, édité par Danielle Rouquié