19:26 11Feb2009 RTRS-LEAD 6 Les actionnaires de Fortis ferment la porte au nez de BNP

par Julien Toyer et Julien Ponthus

A la suite de débats extrêmement houleux, les actionnaires se sont prononcés à 50,26% contre la cession de ces actifs à l'Etat belge, préalable à la vente de 75% de Fortis Banque à la BNP.

Le président du conseil d'administration de Fortis, Karel De Boeck, a déclaré à la presse à la fin de l'assemblée que les deux banques se rencontreraient bientôt afin de tirer les enseignements du vote, refusant toutefois de se prononcer sur un éventuel avenir commun des deux groupes.

Jan-Michiel Hessels, le vice-président du conseil, a tenu quant à lui des propos un peu plus pessimistes aux journalistes venus lui demander quel message il souhaitait adresser à BNP.

"Je n'ai pas de message, ce sont des grands garçons qui prennent leurs propres décisions mais Baudouin Prot (directeur général de la BNP) avait dit clairement qu'il abandonnerait la transaction, nous verrons bien...", a-t-il dit à Reuters.

Le titre BNP, brièvement réservé à la hausse à l'annonce du vote, a terminé la séance en baisse de 2,11% à 27,8 euros, sous-performant ainsi l'indice sectoriel européen (-1,49%).

Dans un communiqué laconique BNP Paribas a pris acte du résultat du vote et rappelé que "le protocole signé le 10 octobre 2008 (sur la vente des actifs belges et luxembourgeois) reste juridiquement en place jusqu'au 28 février 2009.

Un porte-parole du groupe a par ailleurs ajouté que la banque ne souhaitait pas faire plus de commentaires.

Une source proche du dossier notait cependant qu'il revenait au nouveau conseil d'administration de Fortis, qui devrait être approuvé vendredi par une autre assemblée générale à Utrecht, aux Pays-Bas, de définir une nouvelle stratégie.

Selon les analystes interrogés par Reuters, l'échec de la transaction ne serait pas une catastrophe pour la banque française mais plus simplement une occasion manquée de s'implanter sur le marché belge et luxembourgeois.

"D'un côté BNP va se retrouver dégagée de la contrainte de financer Fortis et de reprendre ses actifs illiquides mais industriellement cela avait beaucoup de sens", a commenté Pierre Flabbée, analyste chez Kepler Capital Markets.

"Ce n'est pas complètement fini, mais il faudrait reprendre le processus à zéro. On saura très vite si BNP veut le faire", a-t-il ajouté.

LE PERDANT EST L'ÉTAT BELGE

"Le plus grand perdant est probablement l'Etat belge", commente Eric Vanpoucke, analyste de Sal Oppenheim à propos d'un dossier qui fait la première page de la presse belge depuis plus de quatre mois et a précipité la chute du Premier ministre Yves Leterme en décembre.

Le président du conseil de Fortis admettait à la sortie du conseil que si BNP se retirait, son groupe devrait s'attaquer à la question de ses actifs toxiques et mettre "de 6 à 7 milliards d'euros sur la table."

"Dans ce cas là nous devrions emprunter à l'Etat qui exigera sûrement de mettre en gage les assurances (de Fortis) en Belgique", a dit Karel De Boeck.

Mardi, le ministre des Finances Didier Reynders avait fait part de ses craintes pour les finances publiques belges, déjà mises à mal par la crise financière, si les actionnaires rejetaient le plan de sauvetage de la banque.

Un certain nombre d'observateurs en Belgique craignaient aussi qu'un vote négatif n'entraîne une fuite des épargnants et clients de Fortis et ne force l'Etat à recourir à un nouveau plan de sauvetage.

CLIMAT TENDU

L'assemblée s'est déroulée dans un climat extrêmement tendu. De nombreux actionnaires ont crié "vendu, vendu" et copieusement hué le conseil d'administration, ce qui a perturbé le déroulement de l'AG.

"Voter non, c'est uniquement faire l'usage d'un droit octroyé par la justice belge aux actionnaires floués par la gestion désastreuse du gouvernement", a déclaré le représentant d'une association de consommateurs acclamé par la foule des petits porteurs.

L'assureur chinois Ping An, qui détient près de 5% des actions avait récemment rejoint le camp de nombreux petits investisseurs opposés à la transaction, ce qui avait rendu improbable un vote positif.

"N'ayez pas peur, on tente de vous influencer, mais tenez bon, tenez bon aujourd'hui", avait plaidé Mischael Modrikamen, l'avocat vedette des actionnaires opposés à la BNP, exhortant les investisseurs de ne pas céder aux discours alarmistes sur la santé financière de la banque.

* Pour faire le point sur l'affaire Fortis/BNP, cliquer sur

(Avec la contribution de Juliette Rouillon et de Sudip Kargupta; édité par Jacques Poznanski, Jean-Michel Bélot et Marc Angrand)