par Matthieu Protard

Vers midi, l'action de la première banque française par capitalisation boursière plongeait de plus de 16% à 34,5 euros, affichant à ce cours une baisse de 53% de sa valeur depuis le début de l'année.

Depuis la décision vendredi de la Cour d'appel de Bruxelles de suspendre le démantèlement de Fortis, bloquant ainsi le rachat de ses activités belges et luxembourgeoises par BNP Paribas, la banque française menace désormais, selon la presse belge, de retirer son offre.

"Nous commençons à nous poser des questions. Si nous ne pouvons pas monter maintenant dans le capital de Fortis Banque, nous nous retirons", aurait déclaré Baudouin Prot, le directeur général de BNP Paribas selon des propos rapportés par l'agence Belga.

BNP Paribas avait pourtant déclaré vendredi soir que cette décision d'appel ne remettait pas en cause son intérêt pour Fortis.

"Si cette opération ne se faisait pas, cela serait vraiment catastrophique", note Valérie Cazaban, gérant de portefeuilles chez Stratége Finance.

"Les incertitudes liées au rachat de Fortis pèsent sur le titre. Un renoncement de BNP Paribas serait une mauvaise nouvelle au moment où la banque, qui accuse des pertes en BFI, cherche à accroître sa banque de détail et à renforcer son ratio de fonds propres", souligne Pierre Flabbée, analyste chez Kepler Capital Markets.

BNP Paribas a également fait état mardi soir de 710 millions d'euros de perte avant impôt dans sa banque de financement et d'investissement (BFI) sur les onze premiers mois de l'année, annonçant dans la foulée une réduction de 5% de ses effectifs dans la BFI au niveau mondial.

Pour la banque française, cette annonce signifie que les comptes de sa BFI ont viré dans le rouge en octobre et novembre derniers avec une perte avant impôts de près de 1,6 milliard d'euros sur ces seuls deux mois.

Environ 700 postes seront touchés par le plan de réduction d'effectifs.

"BNP Paribas, moins touchée jusqu'ici par la crise financière que les autres BFI mondiales, avait probablement moins réduit ses activités quand le "choc Lehman" s'est produit et elle se trouve donc rattrapée par une situation inédite sur les marchés", commente Pierre Chédeville de CM CIC Securities.

"Nous nous attendions à un mauvais T4-2008 mais l'ampleur des pertes est sensiblement supérieure à nos attentes", poursuit l'analyste.

OBJECTIFS DE COURS ET RECOMMANDATIONS ABAISSÉS

Plusieurs intermédiaires financiers comme Crédit suisse, Natixis Securities, KBW ou CM-CIC Securities, ont par conséquent réduit leurs recommandations sur la valeur ou abaissé leurs objectifs de cours.

Le broker CA Cheuvreux a de son côté retiré BNP Paribas de sa liste de valeurs préférées.

Le titre BNP Paribas entraînait mercredi dans sa chute les autres valeurs bancaires françaises, qui avaient pourtant ouvert en hausse.

Les actions Société générale et Natixis abandonnaient également vers midi 5,85% et 8,81% respectivement.

Le titre Crédit agricole cédait 2,78%.

Ailleurs en Europe, le titre de la banque allemande Deutsche Bank perd près de 7% à Francfort tandis que l'action du groupe britannique HSBC abandonne à Londres 6%.

L'indice sectoriel DJ Stoxx des banques européennes cède de son côté 2,77% en fin de matinée.

Les pertes qu'accuse BNP Paribas dans sa BFI montrent que les activités de marché des banques ont sévèrement souffert en octobre et novembre dernier en raison de l'exacerbation de la crise financière suite à la faillite à la mi-septembre de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers.

A l'image de BNP Paribas, Crédit agricole SA et Natixis ont prévenu en octobre dernier que les activités de marché avaient enregistré des revenus "négatifs" au mois d'octobre.

Aux Etats-Unis, Goldman Sachs, figure emblématique de la banque d'investissement, a rapporté pour son quatrième trimestre clos au 28 novembre une perte nette de 2,12 milliards de dollars, la première perte depuis dix ans.

Pour BNP Paribas, les pertes de sa BFI et les incertitudes sur le rachat de Fortis surviennent alors que la banque a par ailleurs révélé dimanche soir une exposition à l'affaire Madoff pouvant entraîner une perte potentielle de 350 millions d'euros, prise en compte dans l'annonce faite mardi soir.

Avec ce montant de 350 millions d'euros, la banque dirigée par Baudouin Prot est, après Natixis, le deuxième établissement bancaire français le plus exposé au scandale de fraude financière présumée de 50 milliards de dollars survenu en fin de semaine dernière aux Etats-Unis

Édité par Jean-Michel Bélot