Rappel rapide : le PER, ou Price Earnings Ratio, est un indicateur financier qui permet d’évaluer la valorisation d’une entreprise en comparant son prix en bourse à ses bénéfices. Concrètement, il indique combien les investisseurs sont prêts à payer aujourd’hui pour un euro de bénéfice attendu. Un PER élevé peut refléter de fortes attentes de croissance, tandis qu’un PER bas peut signaler un manque de confiance ou des résultats jugés peu durables. Dans le cas d’Air France-KLM, ce ratio extrêmement faible signifie que le marché valorise très peu ses bénéfices futurs, malgré des résultats attendus en progression. C’est à la fois un signal d’alerte et, pour certains, une opportunité.

Plus petits PER européens. On voit que d'autres compagnies aériennes comme IAG et Lufthansa sont aussi présentes (Source Zonebourse)
Plein de bénéfices en vue, mais…
Air France-KLM devrait dégager 990 M€ de bénéfice net en 2025, puis 1190 M€ en 2026 et 1359 M€ en 2027. Les deux premiers chiffres constituent la moyenne des attentes de 13 analystes et le dernier émane de 11 analystes (Source S&P Capital IQ / Zonebourse). Il y a donc un panel relativement large, ce qui signifie que les chiffres avancés sont crédibles.
Mais alors, comment expliquer la valorisation à la casse de la compagnie ?
D'abord, le marché nourrit une méfiance naturelle vis-à-vis de la société, avec ses deux actionnaires publics (France et Pays-Bas) rarement d'accord sur les orientations à prendre. Il craint, a fortiori, la présence envahissante du gouvernement français dans le tour de table.
Ensuite, l'histoire récente ne plaide pas en faveur du transporteur en bourse. Une seule hausse annuelle (en 2023) sur les six derniers millésimes, plus de dividende depuis des lustres et quelques recapitalisations douloureuses.
Enfin, Air France-KLM reste une compagnie lourdement endettée, en tout cas davantage que la moyenne sectorielle, dont les efforts opérationnels sont parfois assombris par les frais financiers.
Mais pour éclairer tout ça, un paragraphe éclairé vaut toutes les explications. C'est l'équipe de recherche d'UBS qui l'a rédigé, dans la partie dédiée aux risques qui accompagne toute note de recherche. Ça commence par "le trading d'actions de compagnies aériennes peut être risqué pour votre patrimoine", et ça continue avec "sur le long terme, un portefeuille diversifié d'actions de compagnies aériennes a systématiquement sous-performé les moyennes du marché dans son ensemble".
Bigre, tout ça n'est pas très engageant.
La suite ne l'est pas davantage : "nos estimations, qui constituent la base de nos évaluations et de nos objectifs de cours, sont sujettes à un degré d'erreur très élevé et peuvent être sensiblement inexactes. Cette erreur de prévision est principalement due à la volatilité des revenus, qui résulte de l'imprévisibilité des dépenses liées aux voyages d'affaires, combinée à un effet de levier opérationnel et financier important. D'autres sources d'erreur comprennent, sans s'y limiter, la volatilité des prix du kérosène, les compagnies aériennes à bas prix, les perturbations du travail, le risque de faillite et le risque d'événements importants liés principalement à des actes terroristes". Et UBS de conclure, pour nous achever : "Tous ces facteurs de risque combinés rendent nos estimations statistiquement peu fiables, mais elles restent néanmoins les meilleures que nous puissions fournir".
Cet exercice de transparence est salutaire mais un peu déstabilisant, n'est-ce pas ?
Allez, on s'écoute un petit Charlélie Couture pour évacuer tout ça !