Consultés par vote électronique depuis le 26 avril, 46.771 salariés d'Air France ont voté à 55,44% contre les propositions de la direction, déjà rejetées par l'intersyndicale qui mène vendredi son 13e jour de grève depuis le début de l'année.

La compagnie a annoncé dans la foulée qu'elle retirait cet accord qui proposait à ses salariés 2% d'augmentation des salaires en 2018 puis une hausse de 5% sur les trois années suivantes alors que l'intersyndicale regroupant dix organisations réclamait une hausse de 5,1% dès 2018.

L'intersyndicale a toutefois maintenu son préavis de grève pour lundi 7 et mardi 8 mai, ont indiqué à Reuters plusieurs représentants syndicaux.

"En cohérence avec l’engagement que j’ai pris dès le lancement de cette consultation, j’assume les conséquences de ce vote et je remettrai dans les prochains jour ma démission au conseil d’administration d’Air France et à celui d’Air France-KLM", a dit Jean-Marc Janaillac.

"J’espère que mon départ permettra de créer une prise de conscience collective et d’amorcer les conditions d’un rebond", a-t-il déclaré lors d'un point presse organisé juste après la fin du référendum.

Air France-KLM a annoncé ce vendredi prévoir une nette baisse de son résultat d'exploitation cette année tout en renonçant à ses objectifs de réduction de coûts et en réduisant ses capacités, après une perte creusée au premier trimestre par le coût des grèves.

COÛT DES GRÈVES CHIFFRE A 300 MLNS D'EUROS

Air France a quant à elle chiffré l'impact des grèves à 300 millions d'euros à la fin avril, auxquels s'ajoutent 25 à 30 millions d'euros pour chacun des quatre jours de grève programmés en mai.

"Cela montre qu'Air France est incapable de se réformer en profondeur", souligne Gerald Khoo, analyste chez Liberum. "Perdre deux PDG d'affilée qui ont mené des approches très différentes vis-à-vis des syndicats, cela témoigne de ce que la société est ingérable".

Jean-Marc Janaillac avait succédé en juillet 2016 à Alexandre de Juniac, qui avait quitté son poste après avoir lourdement restructuré l'entreprise par des suppressions de postes et des gels des salaires, au prix notamment d'une grève dure des pilotes en septembre 2014.

Jean-Marc Janaillac convoquera les conseils d'administration d'Air France-KLM et d'Air France mercredi 9 mai et leur remettra sa démission.

"Il leur appartiendra de prendre les mesures appropriées pour assurer la continuité du groupe et de la compagnie Air France pendant la période de transition", a indiqué Air France dans un communiqué.

Frank Terner reste directeur général de la compagnie à ce stade, a précisé à Reuters une porte-parole d'Air France.

Le gouvernement a salué le "courage" de Jean-Marc Janaillac et le travail de redressement qu’il a mené depuis deux ans".

Dans un communiqué commun, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et la ministre des Transports Elisabeth Borne en ont appelé au "sens des responsabilités de chacun afin de permettre à la compagnie de poursuivre son développement".

L'Etat français possède 14% du capital d'Air France-KLM, devant les compagnies Delta Air Lines et China Eastern qui en ont chacune 9%, selon le document de référence du groupe.

"UNE SOLUTION INTERMÉDIAIRE"

"On souhaite que le dialogue social revienne. Il y a d'autres solutions", a déclaré sur TF1 Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

"Nous demandions 5% (d'augmentation de salaire), la compagnie proposait 2%, il y a probablement une solution intermédiaire à trouver", a-t-il dit.

Christophe Malloggi, secrétaire général de Force ouvrière, a quant à lui salué "cette victoire du non (qui) prouve que nous sommes le vrai baromètre social de l'entreprise", a-t-il dit à Reuters.

"On nous a refusé le dialogue, c'est cela qui fait aujourd'hui le départ de Monsieur Janaillac", a estimé pour sa part Grégoire Aplincourt, président du Syndicat des pilotes d'Air France (Spaf), sur BFMTV.

La CFDT - un des principaux syndicats d'Air France - qui avait accepté le projet d'accord, a fait savoir qu'elle ne le signerait pas, pour tenir compte du résultat de la consultation.

"Cela augure d’une période trouble pour notre compagnie et d’une grave crise de gouvernance dont Air France n’a pas les moyens, eu égard à l’environnement économique et concurrentiel dans lequel évolue Air France", précise le syndicat dans un communiqué.

Malgré les mesures de restructuration qui ont réduit les dépenses en salaires, les frais totaux de personnel d'Air France-KLM ont augmenté en 2017 à 7,624 milliards d'euros, soit beaucoup plus que les carburants (4,507 milliards).

Le groupe employait 83.522 personnes au 31 décembre, dont 7.746 pilotes.

L'intersyndicale regroupe FO, le SNPNC, la CGT, l'UNSA, le Spaf, le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), Alter, Sud, la CFTC et le SNGAF.

(Avec Victoria Bryan et Elizabeth Pineau, édité par Pascale Denis)

par Cyril Altmeyer