La prudence est de rigueur sur le marché de crédit avec une conjoncture appelée à demeurer morose jusqu'à la fin de l'année et des risques majeurs à l'horizon, à commencer par une résurgence de la pandémie de coronavirus, dit-on chez Robeco.

Le regain de contaminations au Covid-19 et la perspective de l'élection présidentielle américaine de novembre, susceptible de ramener de la volatilité sur les marchés financiers, figurent parmi les principales raisons qui ont conduit Robeco à réduire son exposition à cette classe d'actifs au mois de juin, dit à Reuters David Hawa, spécialiste du crédit pour la société de gestion.

Passée à l'achat en mars pour profiter des opportunités offertes par la forte correction liée à l'imminence d'une récession majeure entraînée par la crise du coronavirus, la société a profité du rebond spectaculaire observé sur le deuxième trimestre avant de changer son fusil d'épaule le mois dernier en abaissant le profil de risque dans tous ses portefeuilles de crédit.

"On a pris nos gains en juin pour adopter une attitude plus prudente, avec des bénéfices des entreprises appelés à demeurer plus faibles et une conjoncture qui devrait rester molle jusqu'à la fin de l'année", explique David Hawa.

Les mesures de soutien massives prises par les instituts d'émission et les gouvernements ont permis de remédier à une crise de liquidité mais les perspectives de résultats d'entreprises peu glorieux et les risques de défauts appellent à la prudence sur un marché où des opportunités demeurent à condition de se montrer sélectif, poursuit-il.

"Ce sont les facteurs techniques qui mènent la danse aujourd'hui dans les marchés du crédit avec une politique très active et très coordonnée de la part de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne", dit-il.

Dans ce contexte, Robeco reste plutôt positif sur la dette d'entreprise classée en catégorie investissement ('investment grade') mais prend davantage de précautions sur le segment classé en catégorie spéculative par les agences de notation ('high yield').

DU BEAU MONDE DANS LE 'HIGH YIELD'

David Hawa met un bémol pour le crédit 'investment grade' dans les pays émergents, où les perspectives macroéconomiques sont moins favorables et dont les moyens sont plus limités en matière de politique monétaire et budgétaire.

Du côté du 'high yield', le gérant dit suivre de près les anges déchus de renom ayant atterri dans ce coin de la galaxie après une dégradation de leur note de crédit.

"On assiste à une importation migration des notations avec des grandes entreprises de qualité, comme Kraft Heinz ou Ford, qui ont rejoint l'univers du high yield, ce qui crée des opportunités d'investissement très intéressantes", dit-il.

Sur le plan sectoriel, Robeco aime bien les financières, notamment la dette subordonnée bancaire, des fonds propres renforcés et l'appui massif de banques centrales soucieuses d'éviter une nouvelle crise financière compensant le risque de non-remboursement de créances, explique David Hawa.

Comme beaucoup de monde, la société se méfie en revanche des entreprises les plus exposées à la crise sanitaire, notamment dans le tourisme et les voyages, avec des acteurs fragiles comme Air France-KLM.

L'approche mesurée de Robeco s'explique également par le ralentissement des émissions, qui avaient explosé après la dislocation du mois de mars et rencontré un franc succès avec l'arrivée sur le marché de nombreuses entreprises contraintes à se refinancer.

"On a vu un niveau d'émissions très élevé sur le marché primaire fin mars, début avril avec de belles signatures comme Unilever, Sanofi ou Nestlé mais aujourd'hui, le marché primaire est devenu cher", explique David Hawa.

(édité par Blandine Hénault)

par Patrick Vignal