Ce rapprochement entre le fabricant du Viagra et celui du Botox créera un nouveau numéro un mondial de la pharmacie avec un chiffre d'affaires d'environ 64 milliards de dollars.

Il s'agit aussi du plus gros montage d'"inversion fiscale" jamais élaboré, malgré la popularité croissante de ce type de manoeuvre, qui consiste à transférer dans un pays au régime fiscal plus clément le siège social d'une entreprise américaine.

Barack Obama, le président américain, a lui-même jugé ces montages anti-patriotiques et son administration s'efforce de limiter le recours à cette pratique.

C'est justement pour éviter d'éventuels obstacles que l'accord Pfizer-Allergan prévoit dans un premier temps un rachat de Pfizer par Allergan, dont le siège se trouve déjà à Dublin. Le nouvel ensemble sera ensuite renommé Pfizer et il sera dirigé par l'actuel directeur général de ce dernier, Ian Read.

La fusion aura entre autres pour conséquence le report de deux ans, à fin 2018, d'une décision sur une éventuelle scission de Pfizer, alors que certains investisseurs espéraient voir Pfizer décider avant 2017 d'une éventuelle séparation de ses activités de médicaments génériques, moins rentables que ses médicaments exclusifs sur ordonnance.

Ian Read, qui cherche depuis longtemps déjà à réduire le taux d'imposition de Pfizer, a déclaré dans un communiqué que le mariage avec Allergan permettrait de placer le groupe "dans une position plus compétitive".

Pfizer devrait payer environ 25% d'impôt sur ses bénéfices cette année, contre environ 15% pour Allergan. Le directeur financier de Pfizer, Frank D'Amelio, a dit lundi tabler sur un taux d'imposition de 17 ou 18% d'ici 2017.

DEUX MILLIARDS DE DOLLARS D'ÉCONOMIES

L'annonce de l'opération intervient un an et demi après l'échec du projet de rachat d'AstraZeneca par Pfizer, qui s'était heurté à l'opposition de la direction du groupe britannique et des autorités du Royaume-Uni.

Lors d'une téléconférence avec des analystes, Pfizer a précisé que le rapprochement lui permettrait d'accéder à terme à plusieurs dizaines de milliards de dollars de trésorerie détenus hors des Etats-Unis, ce qui pourrait lui permettre de financer des rachats d'actions et des dividendes.

Les grands groupes américains préfèrent ne pas rapatrier aux Etats-Unis les profits réalisés à l'étranger pour éviter, là encore, une fiscalité qu'ils jugent trop lourde.

La fusion Pfizer-Allergan, censée être achevée avant la fin 2016, doit aussi se traduire par plus de deux milliards de dollars d'économies annuelles sur les trois premières années. On ignorait dans l'immédiat le nombre des suppressions de postes auxquelles elle devrait conduire.

Pfizer et Allergan précisent dans un communiqué commun que Pfizer offrira 11,3 de ses actions pour chaque titre Allergan.

L'opération valorise Allergan à 363,63 dollars par action, soit environ 16% au-dessus du cours de vendredi (312,46 dollars).

De leur côté, les actionnaires de Pfizer auront le choix entre un paiement en cash et un échange de leurs titres contre des actions du nouveau groupe, à condition que le montant global versé soit situé entre six et 12 milliards de dollars. Ils contrôleront 56% du capital du nouveau groupe.

Préoccupé par les pertes de recettes fiscales que génèrent les opérations d'inversion fiscale, le Trésor américain a adopté ces derniers mois des mesures censées les freiner mais les spécialistes estiment que cet arsenal ne suffira pas à empêcher Pfizer de transférer son domicile fiscal de l'autre côté de l'Atlantique.

A Wall Street, l'action Allergan cédait 2,42% à 304,80 dollars à 17h20 GMT tandis que Pfizer reculait de 1,96% à 31,55 dollars.

Moody's a confirmé la perspective stable de la note A1 de Pfizer tandis que Standard & Poor's plaçait sa propre note AA sous surveillance avec implication négative.

(avec Caroline Humer à New York et Ankur Banerjee à Bangalore,; Marc Angrand pour le service français, édité par Bertrand Boucey)

par Ransdell Pierson et Bill Berkrot

Valeurs citées dans l'article : Allergan, Inc., Allergan plc, Pfizer Inc.