BERLIN (dpa-AFX) - Des hommes politiques du SPD et des Verts se sont prononcés en faveur d'une interdiction générale des exportations d'armes vers les dictatures. L'expert en affaires étrangères du SPD, Ralf Stegner, et le politicien européen des Verts, Anton Hofreiter, ont ainsi surtout réagi aux autorisations d'exportation continues du gouvernement Ampel pour des pays comme l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, qui sont impliqués dans des conflits régionaux.
"Si l'on livre des biens d'armement, il faut le faire aux États de l'UE et aux membres de l'OTAN ou encore à l'Ukraine, car c'est une démocratie attaquée", a déclaré Hofreiter à l'agence de presse allemande. En outre, il faut bien réfléchir à l'existence d'un intérêt géostratégique. "Avec les dictatures, ce n'est en fait jamais dans notre intérêt géostratégique, car on ne sait jamais dans quelle direction elles vont se tourner".
Stegner ne veut pas de livraisons d'armes à des "dictatures sanglantes".
Stegner, qui siège pour le SPD à la commission des affaires étrangères du Bundestag, a tenu des propos similaires. "Tant d'après notre accord de coalition que d'après les critères et les principes de la loi sur le contrôle des exportations d'armes prévue sur cette base, ni l'Arabie saoudite ni les EAU ne répondent aux exigences qui auraient pu justifier de telles exportations", a-t-il déclaré à la dpa. "Les dictatures sanglantes et la participation à la terrible guerre du Yémen parlent un langage clair à ce sujet".
Tant pour l'Arabie saoudite que pour les EAU, le gouvernement Ampel du SPD, des Verts et du FDP continue d'autoriser les exportations d'armes. Selon les nouveaux chiffres du ministère de l'Économie, trois autorisations d'exportation ont été accordées à l'Arabie saoudite au premier semestre, pour une valeur totale de 893 550 euros. Pour les EAU, 30 autorisations ont été accordées pour une valeur de 59,7 millions d'euros.
Les exportations vers l'Arabie saoudite concernent exclusivement des sous-traitances pour des projets communs avec des partenaires de l'UE et de l'OTAN, celles vers les EAU concernent des biens d'armement "en particulier à des fins de protection NBC", a ajouté le ministère dans une réponse à une question de la politicienne de gauche Sevim Dagdelen, rendue publique ce week-end. Par protection NBC, on entend la protection contre les armes nucléaires, biologiques ou chimiques.
D'autres Eurofighter pour l'Arabie saoudite et A400M pour les EAU ?
Mais les exportations vers ces deux pays concernent également des armes d'une autre qualité. Il ressort de données antérieures du gouvernement fédéral que des composants pour les avions de combat Eurofighter et Tornado, fabriqués en Grande-Bretagne, ont également été livrés d'Allemagne en Arabie saoudite. De plus, l'année dernière, le gouvernement Ampel a autorisé les Etats-Unis à exporter vers l'Arabie saoudite des composants de navires de combat d'une valeur de 40,8 millions d'euros, originaires d'Allemagne.
Selon Hofreiter, le gouvernement allemand discute actuellement de l'approbation de l'exportation de 48 Eurofighter supplémentaires vers l'Arabie saoudite et de 6 avions de transport A400M vers les Émirats arabes unis. Les exportations vers ces deux pays sont surtout controversées parce qu'ils font partie de l'alliance qui soutient le gouvernement du Yémen dans sa lutte contre les rebelles Houthi. La guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans l'un des pays les plus pauvres du monde.
Clause yéménite de l'accord de coalition avec dérogation
Dans le contrat de coalition entre le SPD, les Verts et le FDP de 2021, on trouve la formulation suivante : "Nous n'accordons pas d'autorisations d'exportation pour des biens d'armement à des États tant qu'il est prouvé que ceux-ci sont directement impliqués dans la guerre au Yémen". Le gouvernement Ampel poursuit cependant la réglementation d'exception déjà pratiquée par le gouvernement précédent composé de la CDU/CSU et du SPD pour les sous-traitances à des projets communs. Il s'agit notamment de l'Eurofighter et de l'A400M.
Hofreiter et Stegner souhaiteraient désormais y mettre un terme. "Un pays comme les Émirats arabes unis est une dictature. On peut aussi l'appeler monarchie, mais c'est de facto une dictature", a déclaré Hofreiter. Il a fait référence au fait que les EAU ont collaboré en Libye avec le général Chalifa Haftar, soutenu par des soldats russes de Wagner, et ont soutenu l'insurrection au Soudan. "Ce n'est tout simplement pas dans notre intérêt géostratégique".
Hofreiter également contre les exportations vers l'Egypte
Hofreiter a également déclaré qu'il ne croyait pas aux exportations d'armes vers l'Egypte. En revanche, en dehors de l'UE et de l'OTAN, il pourrait par exemple imaginer des livraisons à l'Inde, une démocratie dont l'armée a été en grande partie équipée par la Russie. "Peut-être parviendrons-nous à rallier davantage l'Inde à notre cause grâce à certaines exportations", a déclaré le politicien des Verts. Mais on ne devrait en principe plus livrer de matériel militaire aux dictatures.
Le projet de loi sur l'exportation d'armes, sur lequel la coalition négocie depuis plus d'un an, a permis de clarifier la situation. Un accord n'est toutefois pas encore en vue.
La gauche qualifie les exportations d'armement de "honte"
Des critiques acerbes sur les exportations continues vers l'Arabie saoudite et les EAU ont également été émises ce week-end par la gauche. "C'est une honte de voir comment le gouvernement de l'Ampel trahit ses promesses les unes après les autres et engraisse la guerre du Yémen avec des livraisons d'armes aux États autoritaires du Golfe au lieu de développer des initiatives de paix avec les pays du Proche-Orient", a déclaré la responsable de la politique étrangère de la gauche Dagdelen./mfi/DP/nas