Zurich (awp) - Les petits actionnaires de l'énergéticien Alpiq ont vu leurs craintes se concrétiser. La société zougoise Schweizer Kraftwerksbeteiligungs-AG (SKB) va procéder début juillet à une OPA à raison de 70 francs suisses par nominative restante. La décotation de la société pourrait survenir dès l'automne.

Dans l'annonce préalable publiée mercredi, SKB a fait part de son intention de soumettre le ou autour du 9 juillet une offre publique d'acquisition (OPA) portant sur les actions en mains du public d'Alpiq Holding. L'entreprise détenue à 100% par un groupe d'investissement de la fondation de placement de Credit Suisse (CSF) détient, en vertu d'une convention d'actionnaires avec EOS et le consortium CMS, plus de 24,5 millions de nominatives de l'énergéticien, soit 87,92% du capital-actions.

Le prix de l'offre pour chaque titre Alpiq en circulation se monte à 70 francs suisses nets en espèce, le même montant que celui déboursé pour le rachat du paquet d'actions cédé par EDF. La date prévue pour la publication du prospectus d'offre est le 9 juillet. Celle-ci devrait durer du 24 juillet au 9 septembre, et pourra être prolongée "à une ou plusieurs reprises", indique SKB.

Evaluation indépendante demandée

Dans un communiqué distinct, le conseil d'administration d'Alpiq indique avoir chargé "une société tierce indépendante" de procéder à une évaluation de l'offre et s'engage à prendre position dans le cadre du rapport.

Un consortium fondé fin septembre 2005 regroupait EOS Holding, EDF Alpes Investissements, Aziende Industriali di Lugano (AIL), Elektra Baselland (EBL), Elektra Birseck (EBM), Eniwa Holding, le canton de Soleure et WWZ. Suite à sa dissolution en août 2018, EDF a vendu sa participation de 25,04% dans Alpiq à parts égales à Primeo Energie (ex-EBM) et EOS. La transaction, qui se monte à près d'un demi-milliard de francs suisses, a été exécutée le 28 mai.

EOS, SKB et un consortium formé par les minoritaires suisses (CMS) - c'est-à-dire les membres de l'ancien consortium hormis EOS et EDF - envisagent de se réorganiser en trois groupes d'actionnaires détenant chacun un tiers du capital-actions d'Alpiq. La réorganisation en question requiert entre autres la soumission d'une OPA pour les titres restants.

Les nominatives qui n'auront pas été servies seront rachetées dans le cadre d'une procédure judiciaire d'annulation ou d'une vente forcée, à la suite de quoi l'action Alpiq sera retirée de la cotation à la Bourse suisse. Une demande dans ce sens pourrait être déposée dès octobre auprès de l'opérateur SIX Swiss Exchange.

Prix "correct" à 140 francs suisses

L'offre ne semble pas favorable aux petits actionnaires. Pour le plus éminent d'entre eux, Martin Ebner, le prix "correct" se situerait plutôt autour de 140 francs suisses. Le banquier schwytzois avait vendu une partie de ses actions en mai 2018, ramenant son engagement sous la barre des 3%.

Après l'annonce en avril du rachat des titres détenus par EDF, la communauté financière s'était montrée surprise par un prix considéré étonnamment bas au vu du redressement du marché et du recentrage stratégique du groupe, après des années de disette où Alpiq avait bouclé ses comptes dans le rouge vif, privant les actionnaires de dividende depuis 2015.

"Nous n'aurions jamais pu payer ce prix si la hausse attendue des prix de l'électricité n'avaient pas été intégrés dans le calcul", a déclaré à AWP Dominik Bollier, représentant du futur actionnaire CSF, soulignant que l'offre prend en compte le futur flux de liquidité attendu.

Il évoque une "solution juste" pour les petits actionnaires, soulignant que Commission des OPA avait confirmé qu'il n'y avait pas de contrats d'achat d'énergie devant être considérés dans le prix.

"La nouvelle structure de l'actionnariat constitue une base solide pour le développement futur d'Alpiq", a déclaré le président de son conseil d'administration Jens Alder, qui voit dans l'OPA "la conséquence logique" de l'acquisition des actions détenues par EDF.

L'annonce de l'OPA ne constitue pas une surprise, estime la Banque cantonale de Zurich (ZKB) dans un commentaire, rappelant que selon la loi sur les fusions, une participation de 90% est nécessaire pour activer une procédure de squeeze-out. Il resterait alors pour les actionnaires réticents à servir leurs titres encore la possibilité de recourir à la voie légale.

A la Bourse suisse, la nominative Alpiq a fini en baisse de 2,1% à 70,00 francs suisses, alors que le marché élargi (SPI) a reculé de 1,37%. En 2018, l'action avait pris plus d'un cinquième, frôlant les 90 francs suisses. Au faîte de sa gloire, en juin 2008, elle avait atteint 765 francs suisses.

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